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Les Poèmes antiques et modernes






Les Trois « Livres ».



Qu'importf.nt les épigrammes sournoises du comte Mole lors de la réception académique, qu'importent les réserves peut-être envieuses de Sainte-Beuve. Elles n'ont pas de poids face aux grands poèmes de Vigny. Il a peu écrit. Sobre, il a choisi la discrétion poétique. Il n'est pas un versificateur, un virtuose faisant feu de tout bois, jouant sur tous les registres, profitant de tous les sujets d'inspiration. Il n'est pas un rassembleur de mots et d'images, il n'est pas atteint de publiomanie. Son imagination est grave essentiellement. Il déteste la gratuité. Il ne cherche pas à plaire aux foules, à les influencer, à les conduire. Il a le culte de son art et le goût du secret. Il ne cherche pas à faire école. Nous voyons là une figure humaine et poétique bien différente de Lamartine ou Hugo. Plus que ce dernier, il trie, il choisit, il ne garde de ses ouvres que celles qui lui paraissent dignes d'être conservées. Il se juge plus sévèrement que ses contemporains ne le font, d'où la relative rareté de ses poèmes.



Ses premières poésies sont divisées en trois livres : Livre mystique, Livre antique, Livre moderne. Le premier, pour nous le plus original et le plus riche, comprend Moïse, Éloa ou la Sour des anges, le Déluge. On y reconnaît les ferveurs "du romantisme à ses débuts : renaissance de la foi si précaire qu'elle soit, recherche d'émotions nouvelles comme chez Chénier, Chateaubriand et Lamartine. Moïse, 1822, s'entretient avec Dieu. Il sort tout droit de la Bible dont il épouse les tours. Dans sa partie descriptive, le poème est majestueux :



Le soleil prolongeait sur la cime des tentes

Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes,

Ces larges traces d'or qu'il laisse dans les airs,

Lorsqu en un lit de sable il se couche aux déserts.

La pourpre et l'or semblaient revêtir la campagne.

Du stérile Nébo gravissant la montagne.

Moïse, l'homme de Dieu, s'arrête, et, sans orgueil,

Sur le vaste horizon promène un long coup d oil.



C'est l'occasion de faire défiler ces noms sonores qu'aiment tant les romantiques : Galaad, Éphraïm, Manassé, Nephtali, Jéricho, Phogor, Chanaan, et qui nourriront les parnassiens. La partie philosophique du poème s'éloigne de la philosophie du siècle précédent. La Genèse apparaît dans le discours de Moïse, chargé d'ans, sentant peser sur lui le poids terrible du destin. Aucun procédé n'est utilisé et l'on ressent partout un souffle grandiose :



Hélas! je sais aussi tous les secrets des cieux,

Et vous m'avez prêté la force de vos yeux.

Je commande à la nuit de déchirer ses voiles;

Ma bouche par leur nom a compté les étoiles,

Et, dès qu'au firmament mon geste l'appela,

Chacune s'est hâtée en disant : « Me voilà. »

J'impose mes deux mains sur le front des nuages

Pour tarir dans leurs flancs la source des orages;

J'engloutis les cités sous les sables mouvants; je renverse les monts sous les ailes des vents;

Mon pied infatigable est plus fort que l'espace;

Le fleuve aux grandes eaux se range quand je passe,

Et la voix de la mer se tait devant ma voix.



Nous sommes aux antipodes du Moïse sauvé du bon Saint-Amant et proches de Schiller et de Chateaubriand. L'originalité de Vigny est qu'il interprète, comme il le fera dans les Destinées, son pessimisme, son expérience de la solitude, son austère mélancolie devant le silence de Dieu, de la nature et des hommes. Génie prédestiné au malheur, Vigny-Moïse chante l'absence :



Hélas! je suis. Seigneur, puissant et solitaire,

Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre.



Eloa ou la Sour des anges est un mystère en trois parties : Naissance, Séduction, Chute. Ces chants de passion et de pitié sont dans la suite de Byron en plus élégiaque, plus attendri, plus triste. Cette Éloa, ange au féminin, née d'une larme du Christ, est vraiment la sour de charité, la tentative du rachat de tous, le suprême espoir. Elle représente le sacrifice, l'appel à l'amour, à la réconciliation avec Satan, à la possibilité du salut par l'union des principes du bien et du mal. Mais le sacrifice sera vain, l'amour d'Éloa châtié. On trouve au long du poème des images symbolistes, préraphaélites, d'une grande beauté et dont l'influence sera durable :



Toute parée, aux yeux du Ciel qui la contemple,

Elle marche vers Dieu comme une épouse au Temple;

Son beau front est serein et pur comme un beau lys

Et d'un voile d'azur il soulève les plis;

Ses cheveux partagés comme des gerbes blondes

Dans les vapeurs de l'air perdent leurs molles ondes,

Comme on voit la comète errante dans les cieux

Fondre au sein de la nuit ses rayons gracieux;

Une rose aux lueurs de l'aube matinale

N'a pas de son teint frais la rougeur virginale;

Et la lune, des bois éclairant l'épaisseur,

D'un de ses doux regards n'atteint pas la douceur.



Une nature renouvelée apparaît dans ses descriptions :



Ainsi dans les forêts de la Louisiane,

Bercé sous les bambous et la longue liane,

Ayant rompu l'ouf d'or par le soleil mûri.

Sort de son lit de fleurs 1 éclatant Colibri;

Une verte émeraude a couronné sa tête,

Des ailes sur son dos la pourpre est déjà prête,

La cuirasse d'azur garnit son jeune cour;

Pour les luttes de l'air l'oiseau part en vainqueur...



Le ton est biblique, chatoyant et la démonstration philosophique progresse avec un art de poète. Et que de regrets devant la chute :



Ah ! si dans ce moment la Vierge eût pu l'entendre,

Si la céleste main qu'elle eût osé lui tendre

L'eût saisi repentant, docile à remonter...



Le troisième poème, le Déluge est aussi en forme de mystère partant de cette phrase de la Genèse : « Serait-il dit que vous fassiez mourir le Juste avec le méchant? » La protestation se fait ardente, violente même contre Dieu qui répond par le silence au sacrifice de l'innocent. A cela s'oppose, dans le mouvement diluvien, la pureté première, la beauté du monde attestant son enfance, la bonté de l'homme à son premier matin :



La Terre était riante et dans sa fleur première;

Le jour avait encor cette même lumière

- Qui du ciel embelli couronna les hauteurs

Quand Dieu le fit tomber de ses doigts créateurs.



Il nous dit encore :



La pitié du mortel n'est point celle des Cieux.

Dieu ne fait point de pacte avec la race humaine!

Qui créa sans amour fera périr sans haine.



Après ce Livre mystique vient le Livre antique puisant son inspiration dans l'antiquité biblique et l'antiquité homérique. On retient surtout la Fille dejephté, court poème sur celle que les filles d'Israël pleurent chaque année durant quatre jours :



Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israël,

Et leurs pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel.



Dix-neuf quatrains suivent ce distique.

Ils forment un drame sorti de la

Bible et digne de lui être comparé.

Il en est de même pour la

Femme adultère dans ce lit qui fait penser à celui de Baudelaire :



« Mon lit est parlumé d'aloès et de myrrhe;

L'odorant cinnamome et le nard de

Palmyre Ont chez moi de l'Egypte embaumé les tapis.

J'ai placé sur mon front et l'or et le lapis;

Venez, mon bien-aimé, m'enivrer de délices Jusqu'à l'heure où le jour appelle aux sacrifices.



Les poèmes homériques sont moins intéressants. Du poème le Somnanbule au court tableau du Bain d'une dame romaine, en passant par la Dryade, idylle dans le goût de Théocrite, et l'élégie Symétha, on trouve plus un art de peindre que des résonances profondes.

En revanche, le Livre moderne où le poète quitte souvent l'alexandrin pour des poèmes de mètres divers, malgré quelques faiblesses, est en général plus réussi. C'est là qu'on trouve le Cor évoquant bien avant la Légende des siècles Roland et Charlemagne. Ce poème est connu de tous :



J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,

Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,

Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille

Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.



Que de fois, seul dans l'ombre à minuit demeuré,

J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré!

Car je croyais ouïr ces bruits prophétiques

Qui précédaient la mort des Paladins antiques.



Ô montagnes d'azur! ô pays adoré!

Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,

Cascades qui tombez des neiges entraînées,

Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées;



Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,

Dont le front est de glace et le pied de gazons!

C'est là qu'il laut s'asseoir, c'est là qu'il

Faut entendre Les airs lointains d'un

Cor mélancolique et tendre.



C'est là qu'on trouve un « Poème du xvie siècle » inattendu, Madame de Soubise, pas bon du tout, mais étrange, où sont entre croisées des strophes de neuf vers de cinq pieds et des huitains déca-syllabiques. On retient plutôt le poème sur la Frégate La Sérieuse, bien qu'un peu longuet. Hugo admirera cette alternance de vers de six pieds et d'alexandrins :



La Sérieuse alors semblait à l'agonie :

L'eau dans ses cavités bouillonnait sourdement;

Elle, comme voyant sa carrière finie,

Gémit profondément.



Je me sentis pleurer, et ce lut un prodige,

Un mouvement honteux; mais bientôt l'étouffant :

« Nous nous sommes conduits comme il fallait, lui dis-je;

Adieu donc, mon enfant! »



Cependant, le meilleur Vigny est celui qui prend du recul avec l'événement. Il faut bien qu'il y ait « Élévation » comme dans le dernier poème, Paris, qu'il sous-titre ainsi. Il est vrai que pour Vigny le poème est élévation et son ton apocalyptique le rapproche de Victor Hugo. Là, un soldat en mal de gloire a la vision d'un monde nouveau, bon ou mauvais, mais au moins prometteur.

Paris, selon l'expression de Vigny, « sorti de rêves symboliques », peut étonner par sa nouveauté :



Ouvre, ouvriers, tout brûle! au feu tout se féconde!

Salamandres partout!... Enfer! Éden du monde!

Paris, principe et fin! Paris! Ombre et flambeau!

... Je ne sais si c'est mal, tout cela, mais c'est beau,

Mais c'est grand! Mais on sent jusqu'au fond de son âme

Qu'un monde tout nouveau se forge à cette flamme.



Il élève l'homme à la hauteur de la divinité :



Seul, sans père et sans fils, soumis à la parole,

L'union est son but et le travail son rôle,

Et, selon celui-là, qui parle après Jésus,

Tous seront appelés et tous seront élus.



Le triptyque mystique, antique, moderne montre à quel point Vigny est grand quand il trouve un thème correspondant à sa personnalité, reflétant son caractère. S'il s'égare dans un sujet qui ne lui correspond pas vraiment, le poème est tout de suite plus banal. Classique par la composition, romantique discret par ses choix, ses images, son exotisme dans l'espace ou le temps (comme Ché-nier qui l'a influencé, lui aussi fait des vers antiques sur des pen-sers nouveauX), son choix des mots sonores (noms de lieux ou de personnages qui jettent des éclats de trompette dans ses verS), son goût de l'épique (en même temps que son refus de la grande épopéE), Vigny ouvre la voie à Hugo, à Leconte de Lisle et aux parnassiens, aux symbolistes, à Péguy qui reprendra certains de ses thèmes, mais notre poète est aussi lui-même touché par les poètes qui l'ont précédé, il n'a pas perdu certains tics du xvm' siècle, il est redevable surtout à Byron et à Chateaubriand qui lui ont ouvert des voies d'inspiration. Dans les poèmes que nous venons d'évoquer et qu'il faut que le lecteur lise en entier, Vigny se montre le plus fort lorsqu'il se mesure avec Dieu par la voix de héros grandioses qui magnifient son désarroi, sa tristesse, sa pitié humanitaire.


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