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LES GONCOURT






Si l'on se reporte aux quelques pages jadis écrites par Jean-Pierre Richard sur les Goncourt, il y a maintenant de longues années, l'on peut y voir, minutieusement décrite, une opération qui, pour être négative, n'en est pas moins un chef-d'ouvre de compréhension critique. Il y s'agit d'un phénomène qui n'est rien d'autre que la dissolution graduelle tde la réalité. Phénomène donc extrêmement grave, troublant plus que n'importe quel autre, puisqu'il a pour effet de mettre en question la confiance indispensable que nous devons accorder à la fermeté du monde réel. Toute analyse qui se donne pour fin de faire apparaître la solidité séculaire de ce qui est, ne peut être que rassurante et réconfortante, parce qu'elle nous confirme dans l'idée que le monde, dans ses grandes lignes, reste inaltérable, et nous, de même, avec lui. Mais dès le moment où le soupçon nous est inspiré que le monde s'altère, et que cette altération, si minime, si imperceptible qu'elle puisse être dans son détail, se produit partout, en nous comme en dehors de nous, sur la plus vaste échelle, et qu'elle a comme seule fin la destruction de tout ce qui est, alors nous nous sentons sérieusement alarmés. C'est pourtant à cette tâche que les frères de Goncourt, peut-être au début, sans trop s'en rendre compte, se sont attachés. Ils ne renversent pas violemment ni indirectement les fondements du réel. Ils se contentent d'analyser minutieusement les changements insidieux, presque imperceptibles, qui s'y produisent. Cela semble anodin. C'est en réalité un spectacle totalement démoralisant, puisqu'il nous révèle dans son détail le travail de sape procédant à l'anéantissement du réel.





Et pourtant c'est là l'ouvre à laquelle en Usant les analyses si apparemment innocentes des Goncourt, nous nous trouvons nous-mêmes subrepticement associés. Dès que nous sommes à notre tour engagés sur cette pente, il n'y a plus moyen de nous arrêter. A notre tour, nous sommes obligés de suivre un chemin qui ne mène que dans une seule direction, celle de l'absence d'être et du néant.

Toute cette histoire commence par un simple glissement dans le temps et dans l'espace. Nous sommes engagés le long de la pente. Le terrain que nous foulons est mobile.



Nous y progressons plutôt lentement. Une imperceptible dégradation de la situation qui est la nôtre est en train de se produire. Il semble que dans ce glissement, nous ne sommes pas les seuls êtres engagés. Une multitude de phénomènes de toutes sortes, peu importants en soi mais considérables en nombre, nous accompagne dans notre mouvement dont la pente peu à peu s'accentue. Il y a d'abord comme un affaiblissement de la fermeté ou de la netteté avec laquelle les choses familières ont l'habitude d'apparaître. C'est comme si elles prenaient peu à peu vis-à-vis de nous une distance, qu'elles nous offraient pour nous supporter dans l'existence une moindre solidité. Elles bougent sur place, comme elles bougent dans leurs mouvements de translation. Bref, elles deviennent de moins en moins stables. On dirait que se détachant peu à peu de la position normale qui leur était assignée, elles se mettent, comme nous, avec nous, à dériver. A dériver où ? Dans le temps, dans l'espace, dans un milieu qui a cessé d'être fixé. Non qu'il s'agisse ici, comme chez Lamartine, d'une évaporation graduelle des choses et de la pensée dans les profondeurs célestes, ni même, plus simplement, comme chez George Sand, d'une humble promenade de l'esprit dans quelque horizon campagnard. Mais le monde environnant avec tout ce qu'il contient, et nous-mêmes au centre, semblons nous trouver engagés maintenant, non plus dans un univers réglé, reconnaissable, familier, mais au contraire dans une sorte d'immense fouillis compliqué, encombré de formes de toutes sortes, où, d'une part, il n'est pas aisé de se frayer un chemin, et où, d'autre part, ces formes touffues, au lieu de se tenir séparées, à une honnête distance les unes des autres, ont tendance à s'entremêler, et à fomenter ainsi, autour d'elles, comme en elles, ce que les Goncourt appellent « un tournoyant désordre » : brouillard fait de mille particules distinctes et cependant confondues; de sorte qu'on ne sait plus si les objets qui ont su conserver une fragile indépendance continuent approximativement de garder leur place coutumière et leur individualité relative, ou si, tous ensemble, et nous avec eux, nous ne sommes pas entraînés, de plus en plus rapidement vers des niveaux inférieurs, de moins en moins fermes, où la consistance générale des choses, cçmme de la pensée, se trouve de plus en plus en train de se délayer.



Et puis tout cela se brouille encore. L'éclairage diminue, la lumière s'appauvrit. On entre dans une contrée plus ou moins crépusculaire qui offre peut-être quelque avantage sur le monde précédemment quitté, en ce sens qu'il paraît plus nombreux, plus riche de formes à la fois multiples et minuscules, mais qui, d'autre part, n'a plus de rapport avec le monde, somme toute bien structuré qu'il avait semblé être précédemment. Tout paraît maintenant déstructuré, éparpillé. On se découvre quelque part dans un monde nouveau, celui-ci franchement chaotique. La disjonction des parties composantes devient telle qu'elle entraîne une véritable dislocation, et même disparition, des choses, et, ce qui est plus grave, des personnes. Au niveau, incontestablement inférieur, où la pensée est maintenant descendue, il n'y a plus de choses, plus de moi, plus de personne déterminée, il n'y a plus qu'une sorte de substance difficilement définissable, qui si elle est encore vaguement reconnaissable, en tant que composée, pour une part, d'éléments jadis familiers, n'offre plus d'autre part qu'un aspect général assez informe, plus comparable à un courant limoneux qu'à un objet, quel qu'il soit. Tout y est fondu ou noyé, tout y est confusément indivis, ainsi qu'il en va pour les matières fluentes.

Bref, la dissolution est maintenant accomplie. Dissolution qui est donc, dans un sens, proprement matérielle, puisqu'elle consiste dans la division par l'oil et par la pensée, de toutes les particules concernées. Cette division aboutit, si l'on veut, à ce que l'on pourrait appeler une pâte, c'est-à-dire, dans l'absence de toute forme distinctement déterminée, au lent écoulement d'une matière presque amorphe. Mais cela va plus loin encore, car l'écoulement dont il s'agit ici devient l'écoulement de la pensée elle-même, un écoulement spirituel, qui est comme un glissement aisé, confus, de toutes idées particulières le long de la pente qui les entraîne vers le vide, vers le néant mental. Dans cette opération finale, toutes les choses distinctes se sont anéanties, toutes les idées un moment conçues se sont fondues les unes dans les autres pour se laisser entraîner plus facilement dans le même mouvement. L'ensemble, pour autant qu'il soit encore possible de parler d'un ensemble, maintient bien encore quelque cohérence, mais c'est une sorte de cohérence fluide, où plus rien de bien distinct ne surnage, mais qui occupe encore par sa masse confuse un certain espace. Ce n'est donc pas le pur néant. Là la destruction arrive à son terme. Elle n'aboutit jamais au vide absolu. Elle se contente de fondre ce qui avait une forme, et qui maintenant n'en a plus. Là, le phénomène s'arrête. Il s'arrête au seuil du non-être. Le processus d'indétermination progressive n'a cessé de s'exercer dès le début et de poursuivre son travail négatif. Mais en cette zone incertaine entre l'être et le non-être il trouve son terme. Il est à une limite ou à un seuil. Le néant, lui, est sans doute au-delà.



LES GONCOURT : TEXTES



(D'abord une sorte de front.) Au-delà de cette ligne nette et claire, on ne voyait plus qu'une espèce de chaos perdu dans une nuit d'ardoise, un fouillis de toits..., etc., une mêlée de voûtes et de têtes de maison enveloppées par l'obscurité grise de l'éloignement, brouillées dans le fond du jour baissant. Plus loin, à la dernière ligne de l'homon, une colline où l'oil devinait une sorte d'enfouissement de maisons, figurait vaguement les étages d'une falaise dans un brouillard de mer.



(Dans un atelieR) le jour insensiblement baissant le bleuâtre du soir commençait à se mêler à la fumée de cigarettes, une vapeur vague où les objets se perdaient et se noyaient tout doucement... Les tableaux semblaient défaillir... Ils s'évanouissaient sur place, décroissaient sans bouger... dans l'espèce de solennité d'une silencieuse décomposition du jour. ... un jour éteint, comme tamisé par un crêpe... ... lentes défaillances, pâlissement du jour... ... estampages vaporeux... ... voiles du fané... effacement des souvenirs...



Des morceaux de son existence d'autrefois s'enfonçaient dans des pans de nuit... effacement des souvenirs...

Elle se paraissait à elle-même tomber et rouler dans l'inconscience et l'aveuglement de la nuit.

... existence qui se décomplète... disjonction des organes... désagrégation de la mort...

... près de se désagréger et de retomber dans l'informe...

Par moments, la vie de mes idées me paraît s'en aller de moi ; se disperser dans ce qui m'entoure, se fondre dans je ne sais quelle abêtissante contemplation.



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