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L'Art pour l'Art et le Parnasse






Artistes d'abord !



De Théophile Gautier à Catulle Mendès en passant par Leconte de Lisle, Banville, Heredia et Sully-Prudhomme, les historiens de la littérature ont défini une filiation ressentie par les poètes eux-mêmes qui firent partie de l'Art pour l'Art et du Parnasse. On y a parfois vu un romantisme fatigué, vidé de sa substance et de sa vie, mais, si l'on en 'revient aux origines, c'est chez Hugo qu on trouvera les prémices d'un certain usage du décor et de la couleur, d'un travail accompli et virtuose sur la forme, le rythme et la rime_ce « clou d'or » cher à Gautier. Les Orientales (1829) et Hernani (1830, repris et applaudi en 1867) sont par exemple la référence de Gautier : même si Hugo abandonne cette voie pour une poésie plus ample ou plus « engagée », Gautier, lui, affirme et développe des options esthétiques qui résultent au fond d'une réaction d'artiste et d'esthète. Nombreux sont ceux qui voudraient que la littérature serve une idéologie, une morale, une cause. Or, nous dit Gautier dans la Préface de Mademoiselle de Maupin (1835), la poésie et l'art ne peuvent être des outils, ils ont leur beauté et leur efficace en eux, ne servant personne, « il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature ».





L'Artiste, que Gautier dirige à cette époque, porte un titre révélateur : le poète est moins un inspiré, un lyrique spontané qu'un « homme de l'art», un expert dont le souci est l'ouvre, le respect et le dépassement d'une contrainte qui lui permet, selon le mot de Roger Caillois, de « se calculer ses chaînes ». L'idée vient en partie de Banville, l'auteur entre autres des Cariatides (1842), des Odes funambulesques (1857) et du fameux Petit Traité de Poésie Française (1872). Il déclare dans son Odelette à Gautier :



Maître qui nous enseignes

L'amour du vert laurier

Tu daignes

Être un bon ouvrier.



Et c'est bien ce thème que Gautier reprend dans sa réponse, publiée justement dans l'Artiste du 13 septembre 1857 (reprise dans la troisième édition des Émaux et Camées [1858, lre éd. en 1852]) :



Oui, l'ouvre sort plus belle

D'une forme au travail

Rebelle Vers, marbre, onyx, émail.

Point de contraintes fausses !

Mais que pour marcher droit

Tu chausses Muse, un cothurne étroit.



Le paradoxe (mais qui a sa logiquE) veut donc qu'une esthétique romantique de libération, soucieuse d'expression autonome, aboutisse finalement à une exigence classique de perfection, à un formalisme rigoureux, impassible et pétrifié pour reprendre une métaphore chère au Parnasse... Dès lors, on a pu dire que le romantisme, s'assagissant, avait trouvé dans le Parnasse son inévitable maturité, son retour à la Tradition : encore faut-il préciser que c'est du présent que vient ce regard vers le passé, vers la Grèce ou l'Orient, lorsque Leconte de Lisle, par exemple, s'inspire de la grande culture de Louis Ménard, du goût, aussi, de l'époque pour les recherches historiques, religieuses ou métaphysiques. Malgré les apparences, cependant, le fondement de cette poésie n'est pas plus dans le positivisme historique ambiant que dans un archaïsme militantr. La poésie parnassienne prétend au contraire à l'intemporalité en s'inscrivant dans un espace proprement littéraire, en se libérant des servitudes du didactisme, du « réalisme » : il est vrai aussi que refuser son temps, c'est encore s'y inscrire, refuser les laideurs contemporaines.

Quoi qu'il en soit, ce rapport ambigu à la modernité, ce travail du style peut rapprocher Gautier, puis les Parnassiens, d'écrivains comme Baudelaire ou Flaubert (ainsi, peut-être, que son ami Louis BouilheT). Baudelaire qui, on le sait, dédie les Fleurs du Mal au « poète impeccable, au parfait magicien es lettres françaises [...] Théophile Gautier ». Ce même Baudelaire, qui salue pourtant la Beauté comme « un rêve de pierre », qui hait le mouvement qui déplace les lignes, reproche (1852) à une certaine « école païenne » d'oublier le sentiment pour la plastique, de se livrer à une folie de l'art. Mais Baudelaire évoluera, peut-être sous l'influence des échecs de 1848 et il finit par saluer Gautier, lui qui a exprimé « sans fatigue, sans effort toutes les attitudes, tous les regards, toutes les couleurs qu'adopte la nature, ainsi que le sens intime contenu dans tous les objets qui s'offrent à la contemplation de l'oil humain ». Quant à Madame Bovary, elle peut aussi faire figure de chef-d'ceuvre parnassien dans la mesure où elle est une gageure, un défi permettant à Flaubert de montrer « que tous les sujets sont indifféremment bons ou mauvais, selon la manière dont ils sont traités, et que les plus vulgaires peuvent devenir les meilleurs » (BaudelairE).



Une école éclectique ? Le Parnasse



L'écrivain est donc celui qui a la capacité de créer un univers de mots qui sera le sien, d'être un maître de langue et de style, de réagir surtout contre cet usage utilitaire ou stéréotypé du langage que l'on trouve par exemple, dans la prose, dans les discours officiels, dans les poésies académiques. Hugo fut ce maître-là pour la génération précédente^ Gautier sera celui des Parnassiens. La naissance du mouvement se produit autour de Catulle Mendès (plus tard fervent wagnérien, para-symboliste, agitateur littéraire aux incarnations multipleS) puis de Leconte de Lisle dont les Poèmes antiques ont paru en 1852. Dans la Revue fantaisiste (1861) de Mendès, on trouve la signature de Gautier, de Banville, de Baudelaire, de Glatigny, de certains prosateurs également. Pour suivre la chronologie, on doit parler encore du salon littéraire et artistique de Nina de Villard où se rencontrent artistes et écrivains : Verlaine, Villiers de l'Isle-Adam, Charles Cros, l'auteur futur du Coffret de santal (1873), mais aussi Léon Dierx, François Coppée, Mérat et Valade, toujours associés ; autant de noms qui montrent l'éclectisme d'un groupe moins défini par un système, une doctrine ou un dogme que par une exigence poétique commune.



Ce sera aussi le sens du Parnasse contemporain (1866), fondé par Mendès et Louis-Xavier de Ricard, Pex-animateur de la Revue du progrès (1863) et de la revue l'Art (1865). Le recueil paraît chez Lemerre, l'éditeur de la plupart des Parnassiens ; il réunit trente-sept poètes dont certains, il faut le dire, sont loin du Parnasse au sens strict : les frères Deschamps, qui furent parmi les romantiques des années 1820, Vacquerie, le disciple de Hugo, Baudelaire, Verlaine et Mallarmé, bien sûr, pour lesquels ce recueil est plus un tremplin qu'autre chose. S'il y a un « parnassisme », on le découvrira plutôt chez ceux qui se voient reconnaître une place d'honneur : Gautier, Banville, et surtout Leconte de Lisle qu'accompagnent entre autres Louis Ménard ou des jeunes comme Dierx, Mendès, Sully-Prudhomme, Lemoyne, Ricard et Heredia, le futur auteur des Trophées (1893). Le dénominateur commun n'apparaît guère, d'autant que la diversité des motifs et des styles se conjugue à l'équivoque d'un titre essayant de concilier le souvenir classique Qe ParnassE) et l'actualité, la modernité. La satire et le pastiche s'emparent néanmoins de l'affaire et l'on voit paraître le Parnassiculet contemporain de Paul Arène et d'Alphonse Daudet (1872), ainsi que les Trente-Sept Médaillonnets du Parnasse de Barbey d'Aurevilly (1866). Le tout prouve au moins que le phénomène parnassien est reconnu et le succès incitera l'éditeur à envisager un deuxième recueil, prévu pour 1869 mais seulement publié en 1871. Parmi les noms nouveaux, ceux de Victor de Laprade et surtout de Charles Cros, exclu pourtant d'une troisième série (1876), sélectionnée par Anatole France, Banville et Coppée, « coupables » d'y avoir refusé aussi Verlaine et Mallarmé ! En fait, dès les années 1870, le Parnasse est moins un groupe (l'a-t-il jamais été ?) qu'un titre de revue, un lieu où se croisent momentanément des voies poétiques divergentes. Mais on aurait tort de limiter l'effet à terme du Parnasse à la nostalgie sensible dans la Légende du Parnasse contemporain (1884) de Catulle Mendès, dans son Rapport sur le mouvement poétique français (1902), même dans les Trophées de Heredia dont la publication en 1893 peut paraître anachronique. Il vaut mieux sans doute voir ce qui reste de l'esprit du Parnasse dans la poésie vivante des années 1870 et 1880, chez Verlaine, chez Mallarmé, même chez Rimbaud dont on sait qu'il voulut figurer dans la troisième série du Parnasse. Le thème qui fait le lien avec le symbolisme, ce serait peut-être une certaine idée de la littérature comme ambition, comme discipline, comme voie de recherche. C'est là aussi qu'il faut voir la modernité de cette poésie pour un lecteur d'aujourd'hui : elle n'est pas dans le chatoiement, dans la précision léchée de telle ou telle description, elle est beaucoup plus dans la religion d'une littérature reconnue dans sa littérarité, d'une écriture qui est moins expression que création.



Le marbre et le rêve



La Préface de Leconte de Lisle à ses Poèmes antiques peut être comprise comme une sorte de manifeste parnassien avant la lettre. Comme souvent, cette poésie nouvelle se définit contre une autre poésie, contre ce que Leconte de Lisle appelle « le thème personnel et ses variations trop répétées », exploité en particulier par « les montreurs », les lyriques capables de promener leur : cour ensanglanté

Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !

Poèmes barbares, 1862.



Le poète n'aura donc plus pour ambition d'exhiber son intimité, mais au contraire d'exprimer « la révélation primitive de l'idéal contenu dans la nature extérieure ». Il retrouve alors la fonction qui fut la sienne au temps des Grecs et, se souvenant du passé, de ses principes et de ses formes, peut recevoir de la science contemporaine cette impulsion nécessaire, « le sens de ses traditions oubliées ». Concrètement, le monologue dolent des romantiques doit donc être remplacé par une célébration du monde dans ses multiples beautés, dans sa géographie ou son histoire, et sans que le paysage ou l'époque renvoient à un état d'âme envahissant. Pour autant, il ne s'agit pas non plus de doubler le monde d'une réplique inutile, et le poème parnassien n'est pas plus une photographie colorée qu'un monologue. Ce serait plutôt un tableau, une sculpture calme et équilibrée, une ouvre en tout cas qui se suffise à elle-même dans sa richesse et sa pureté.

D'où la nécessité que le poème s'impose d'abord par sa perfection plastique, sa présence aussi incontestable et massive que celle d'une statue. La métaphore court en effet à travers toute la poésie parnassienne : le vers est marbre, onyx, émail, camée et le poète est un sculpteur qui polit, longtemps et difficilement, son sonnet ; il éternise l'éphémère et, au bout de son effort, le fige en une forme impeccable, il est aussi celui qui anime le matériau sans âme comme le sculpteur, par la transcendance de la Beauté :



Et dans les marbres froids où bout son âme altière.

Comme il a fait courir avec un grand frisson La colère d'un

Dieu vaincu par la Matière.

Heredia, les Trophées, la Nature et le Rêve, « Michel-Ange ».



Comme le génie de la Renaissance, le Parnasse a le goût des décors imposants, des architectures et des mises en scène. C'est le palais grec aux spacieux contours, les colonnes des arbres de la forêt primaire, les temples hindous, les architectures impressionnantes et bizarres où l'on célèbre des cérémonies à la Salammbô. L'important, cependant, n'est pas tant dans l'exactitude (parfois chargéE) de ces spectacles, que dans la façon dont ils se présentent à nous. Et le véritable spectacle est peut-être ici celui d'une transmutation qui, dans tout, fait voir une matière rare, un bijou, un métal brillant et précieux : l'acanthe se déroule dans le marbre, le cygne devient albâtre, les larmes se font perles ou diamants, le ciel lapis-lazuli, tandis que les planètes et les soleils embrouillent leurs cheveux vermeils. On rejoint bien ici l'immobilité et le silence où le poète parnassien pense enfermer la vie, arrêter le temps qui s'enfuit, se soumettre le monde en « de muettes délices », « Loin des vaines rumeurs de l'homme et des cités » (Leconte de Lisle, Poèmes antiques, « Bhagavat ») : d'où une sorte de sérénité qui pourrait se rapprocher de l'ataraxie stoïcienne ou de l'extase bouddhique.



L'ensemble peut alors donner une impression de malaise, mais l'art parnassien n'est ni un art de mort ni seulement un art de description : le véritable enjeu de cette poésie est bien davantage dans le prix des mots et des phrases que dans celui des matières évoquées. « Sans la justesse de l'expression, pas de poésie », dit Banville et c'est cette recherche-là qui est essentielle. Qu'est-ce alors qu'une expression juste ? Une expression, certes, qui dit bien ce qu'elle a à dire, mais surtout qui est à sa place dans la cohérence du poème, comme un geste dans la ligne d'un corps, comme une touche précise ou une note de couleur dans l'ouvre d'un grand peintre. On connaît par exemple l'usage du nom propre chez Leconte de Lisle, repris le plus exactement possible du grec ou du sanscrit et produisant ainsi un exotisme purement graphique, relayé peut-être par des mots étrangers ou techniques appartenant au registre choisi ; on collectera patiemment l'adjectif connoté, la référence artistique ou littéraire, l'allusion aux textes sacrés d'autrefois, aux anciennes épopées, aux récits de voyages. Mais l'impersonnalité des Parnassiens n'est pas un manque de personnalité, elle ne se réduit pas à un plagiat érudit. À notre goût d'aujourd'hui, le rêve qu'ils proposent peut paraître trop précis, trop mis en scène, trop décoratif, mais il est soutenu par une passion vraie : celle du mot et de ses pouvoirs, des visions qu'il peut produire lorsque ce mot n'est pas tué par l'usage prosaïque. En ce sens, le Parnasse n'est pas qu'un moment de tension entre la révolte romantique et la reconstitution réaliste, il ouvre aussi sur une perception moderne de l'effet littéraire dans la littérature, de l'exhibition des mots dans la poésie.








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