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L'ANTIHUMANISME - L'époque de Richelieu






L'époque de Richelieu était humaniste parce qu'elle était militante. Ce dynamisme optimiste s'évanouit le jour où les adversaires du Cardinal commencent à désespérer et où même ceux qui s'exaltaient à construire l'ordre nouveau commencent à le percevoir comme oppression : tel Corneille passant du Cid à Pompée. C'est alors le pessimisme, auquel Jansénius vient au même moment donner une justification.



1. De saint Augustin à Jansénius



Humanisme et christianisme s'opposent dans leurs fondements. Pour l'un, l'homme est le principe et la fin, ou du moins la mesure de toutes choses. Pour l'autre, c'est Dieu. Toutefois, le christianisme est humaniste dans la mesure où il voit en l'homme la merveille de la création, l'image et le souci d'un Dieu qui s'est dévoué pour le sauver. Pratiquement, la question est de savoir quelle importance on accorde au péché originel : il a corrompu notre nature, mais jusqu'à quel point ? La tradition est assez riche pour autoriser plusieurs réponses entre lesquelles les hommes choisissent selon leur vision de leur condition, c'est-à-dire selon la conjoncture historique. C'est ainsi que varie l'audience de saint Augustin et de ses diverses interprétations. A partir de 1640, il sert de garantie à un antihumanisme dont le jansénisme n'est que la forme extrême.





Pelage (360-422 env.) réduisait l'importance du péché originel : nous demeurons capables d'éviter le mal, la grâce n'est pas indispensable. Pour le combattre, saint Augustin soulignait notre déchéance : notre volonté est soumise à la délectation ; tant que ce n'est pas celle de la grâce, c'est celle de la concupiscence. La Renaissance pousse l'humanisme jusqu'à soutenir que l'homme peut « avoir ce qu'il souhaite et être ce qu'il veut » (Pic de la MirandolE). Au contraire, la Réforme insiste sur l'impuissance de notre « serf-arbitre ». Le concile de Trente, affirme la nécessité de la grâce et la réalité du libre arbitre, qui même peut « rejeter la grâce et lui refuser son consentement ». Mais il ne précise pas nettement leurs rapports. Deux tendances s'affrontent : un augustinisme rigide, notamment à l'Université de Louvain, aux frontières du monde catholique, avec Baïus, condamné en 1567 et 1579, et, en face, l'humanisme très conciliant des Jésuites, chargés de la direction des consciences dans les milieux dominants et soucieux d'y asseoir leur pouvoir. Comme il n'est pas facile de présenter brutalement à des puissants entourés de flatteurs une vérité qui les condamne, ils multiplient les accommodements, dans une subtile casuistique ou étude des divers cas de conscience et de conduite. En 1588, le jésuite Molina publie à Lisbonne L'accord du libre arbitre et des dons de la grâce divine : la grâce est suffisante, mais elle ne devient efficace qu'avec le concours de notre volonté, toujours capable de la refuser ; la prédestination n'est pas gtatuite, Dieu la décide à partir de sa prévision des mérites de chacun. Malgré une violente réaction, le Saint-Siège évite de condamner Molina : il ne fallait pas affaiblir les Jésuites qui rendaient tant de services. Il réussit à apaiser la querelle en interdisant toute publication sur la question sans accord préalable (1611, 1623, 1625).

Mais en août 1640 paraît à Louvain l'Augustinus de Jansénius, mort en 1638, évêque d'Ypres après avoir été professeur à Louvain. Il affirme, « après saint Augustin en cent endroits, que la nature corrompue n'a point de liberté à faire le bien » et ne peut que « faire le mal volontairement » (Arnauld, 1645), entraînée par la concupiscence, à laquelle nous ne pouvons résister que si nous sommes animés par la grâce. Non plus celle qui suffisait avant le péché, mais une grâce véritablement efficace, que Dieu accorde arbitrairement, car nul ne saurait la mériter. Jansénius radicalise la pensée du maître et la déforme légèrement. Saint Augustin donne pour ressort à la volonté un amour qui est adhésion du libre arbitre éprouvée avec délectation. Jansénius, s'autorisant de textes apocryphes, sépare ces instances : la délectation devient une forme extérieure à la volonté, qui ne peut que s'y assujettir.



Les Français étaient restés à l'écart des querelles molinistes ; d'abord à cause des guerres, ensuite parce que, engagés dans un renouveau exaltant, ils dédaignèrent ces disputes. Ils seront au premier rang des querelles jansénistes. Des raisons purement religieuses ne peuvent expliquer cette différence. L'amitié entre Jansénius et Saint-Cyran sert de filière pour Y Augustinus mais n'explique pas son succès. Si ces quelque onze cents pages in-folio très serrées de dissertations abstruses en latin sont aussitôt réimprimées à Paris (décembre 1640 ou janvier 1641) puis à Rouen (1643), c'est que son antihumanisme, son tefus du monde, sa religion sévère et pessimiste répondent au sentiment d'une large partie des intellectuels français, le révèlent peut-être à lui-même, le confirment et le propagent mais ne le créent pas. Catalyseur et non pas cause première.



La cause fondamentale, c'est que l'augustinisme offrait à une société insatisfaite par l'alourdissement du pouvoir l'idéologie dont elle avait besoin. Mécontentement des féodaux asservis, mais aussi des robins et officiers : des décisions de 1641, 1642 et 1643 confirment le développement d'une nouvelle administration aux dépens de leurs prérogatives, de leur considération et de leurs revenus. Les féodaux réagissent plutôt par la montre, les robins par le pessimisme. Ce sont des intellectuels et ils sont trop respectueux et trop dépendants de la monarchie, dont ils sont les agents, pour que leur mécontentement se traduise seulement par une action politique : une justification métaphysique, qui reporte la cause du malaise du système sur la nature humaine, leur convient mieux, jusqu'à soulager leur mauvaise conscience d'agents d'un pouvoir machiavélique (cf. p. 176-177).

Une tradition de rigueur intellectuelle et morale, de résistance au pouvoir, de néo-stoïcisme, de culture latine, prépare bien des robins à l'augustinisme. Des parlementaires* comme Broussel, Talon, Bignon, Mole, de Mesmes, célèbres dans les années 1640-1655, font figure de vieux Romains. Une religion de la conscience personnelle, correspondant à l'autonomie constitutive de l'intellectuel et du bourgeois, opposant la vérité aux appareils d'État et d'Église, convenait à beaucoup de ces gens comme le calvinisme à leurs aïeux, le néo-stoïcisme à leurs pères. Ajoutez-y l'hostilité contre les Jésuites — trop puissants, ultramontains et laxistes — chez les parlementaires, généralement gallicans, à l'Université, concurrencée par leurs collèges, chez les autres congrégations et les prêtres séculiers (2).

Absolutisme, machiavélisme, spéculation et intérêt ne feront que s'aggraver sous la Régence, confortant la réaction augustinienne. L'échec de la révolte politique et militaire de la Fronde reportera l'essentiel de l'opposition au plan moral et métaphysique.



2. L'anthropologie janséniste



Quelques citations d'Antoine Arnauld (1612-1694), solitaire de Port-Royal et chef de file des « jansénistes » (3) français, peuvent résumer leurs idées. Ceux qui prétendent atteindre la vertu par leurs facultés naturelles, comme les stoïciens, sont « les héritiers et les successeurs du premier ange rebelle dans son orgueil » (1641). Le péché originel nous a frappés d'impuissance et voués au mal. La délectation de la concupiscence nous entraîne irrésistiblement, à moins d'être surmontée par celle de la grâce. « On ne peut éviter le péché ni faire aucun bien que par la grâce », par € un secours actuel de Dieu, nécessaire pour chaque bonne action » (1645) : elle n'est pas simplement suffisante mais nécessairement efficace et déterminante. Elle ne peut être qu'arbitraire. Nul ne saurait avoir assez de mérite pour échapper à « une très juste damnation ». C'est par pure miséricorde qu'arbitrairement « Dieu en délivre quelques-uns, en laissant les autres dans la peine que toute la masse a si justement méritée » (1644).



3. Premiers affrontements



Intellectuels rigoristes et individualistes, les jansénistes se heurtent aux politiques et aux pouvoirs : les Jésuites, bien sûr ; l'Église. Pas vraiment sur le fond : à part V Augustinus, leurs écrits ne sont pas condamnés ; mais ils prétendent vérifier par examen personnel la pensée de saint Augustin, les fondements de la religion, la validité du résumé de l'Augustinus condamné à Rome. Cela, une institution chargée de proclamer la vérité ne peut l'admettre. Pour la même raison, s'ajoutant à leur condamnation du machiavélisme et à leur dépréciation de toute action en ce monde, ils se heurtent à l'État. Pour l'absolutisme, la religion est le moyen idéologique de l'assujettissement ; pour eux, c'est un engagement critique au service de la vérité. La majorité des évêques, intégrée au système par naissance et par fonction, est contre les jansénistes ; la majorité des curés de Paris, intellectuels plus militants et plus indépendants du pouvoir, leur est favorable.



Dès le printemps 1641, le nom de Jansénius « triomphait parmi les honnêtes gens » (PatiN). Les premiers affrontements coïncident avec la mort de Richelieu et de Louis XIII. Les sermons antijansénistes de Habert (novembre-décembre 1642) donnent le signal. Encouragé par Saint-Cyran triomphalement sorti de prison (6 février 1643), Antoine Arnauld publie La Théologie morale des Jésuites et La Fréquente communion (août 1643)- Entre temps le Pape a modérément condamné l'Augustinus par une bulle du 19 juin 1643, promulguée à Paris le 11 janvier 1644. La controverse se poursuit. Arnauld écrit deux Apologies de Jansénius (1644-1645). Les « prédicateurs en chaire n'entretiennent leurs auditeurs d'autre chose » (Sarrau, 1643). La querelle « partageait non seulement les écoles, mais les ruelles et la ville aussi bien que la Cour » ; les ouvrages jansénistes plaisaient aux dames mêmes : ils étaient écrits « dans un français si pur qu'il leur faisait quitter leurs romans » (Mme de Motteville, 1647). La Fréquente, malgré ses 622 pages in 4°, eut cinq éditions en quelques mois.



4. Derrière la querelle : le consensus antihumaniste



La querelle du jansénisme, parce qu'elle est spectaculaire, risque de cacher le plus important : le désaccord n'est que théologique et politique ; au plan psychologique et moral, le pessimisme et la sévérité sont largement partagés. En ce début des années 40, l'influence stoïcienne jette ses dernières lueurs et la grande vogue de l'humanisme chrétien ne va pas au-delà de 1645.

Certes il y a la vieille garde et Corneille (4) et Descartes, capable de poursuivre sa pensée malgré la conjoncture française : depuis 1629, il vit aux Pays-Bas, dans l'État le plus avancé de l'époque. Mais la plupart des nouveaux maîtres spirituels, même les plus opposés au jansénisme, partagent leur antihumanisme : Jean Eudes (« le péché est comme notre âme » ; € nous ne sommes que néant » ; « nous devons nous humilier et haïr »), Olier (« le péché a perverti tout ce qui est en nous » ; « de nous-mêmes nous ne méritons réellement que l'enfer »), Vincent de Paul qui dénonce « la pente naturelle et continuelle que nous avons au mal, notre impuissance au bien ». En 1641 et 1645, l'assemblée du clergé décide la réimpression à ses frais du sévère Petrus Aurelius de Saint-Cyran et condamne le laxisme, tout comme en 1655 ; elle oblige un jésuite qui avait attaqué La Fréquente communion à se rétracter à genoux (1643) ; elle ordonne la diffusion dans tous les diocèses des très strictes Instructions aux confesseurs de saint Charles Borromée.



Caractéristique me paraît l'évolution du P. Senault, prédicateur célèbre, supérieur général de l'Oratoire de 1663 à 1672. En 1641, il écrit que l'homme « aime toujours le bien et haïra le mal éternellement » ; « le péché [originel] n'a pu tellement déshonorer sa nature qu'elle n'ait conservé le fond de ses inclinations » : « toujours ses passions sont des vertus naissantes et pour peu de soin qu'il prenne à les perfectionner, elles deviennent des vertus achevées ». En 1644, il publie L'Homme criminel ou la corruption de la nature par le péché selon les sentiments de saint Augustin, suivi en 1648 de L'Homme chrétien ou la réparation de la nature par la Grâce, selon la doctrine de saint Augustin. Titres significatifs. Ici, les passions « sont esclaves du péché » ; la raison est impuissante devant elles ; la grâce même ne se fait obéir que par la violence. L'homme est radicalement déchu : « le mal est dans le fond de son être », « la concupiscence règle tous les mouvements de son âme [...], sa raison en est l'esclave ». Balzac (Aristippe ou De la Cour, 1651-1654) et Corneille, tout en refusant le jansénisme, passent eux aussi de l'exaltation humaniste à la dénonciation des passions machiavéliques attifées par le pouvoir.



5. Les libertins



La faiblesse du pouvoir, l'attitude de Mazarin (qui a besoin, pour sa politique, de l'appui des esprits réalistes et prend Naudé comme bibliothécairE), l'agitation des Grands, l'ascension des riches, le scepticisme des mondains permettent un « libertinage flamboyant » (R. PintarD). Les déclarations royales de 1643, 1647 et 1651 refrènent la liberté des mœurs mais ne peuvent frapper l'irréligion de seigneurs qui frondent le pouvoir.

Rigorisme et libertinage sont deux conséquences divergentes de l'affaiblissement des structures et des idéaux. Augustiniens et libertins ont en commun de ne pas croire que la vertu soit le mobile des hommes. Ceux-ci se rallient à la « divine philosophie sceptique » (La Mothe le VayeR). Au demeurant, noyés dans leur érudition (et parfois, comme Naudé, accablés de tâches pratiqueS), les intellectuels libertins commencent à perdre prise sur les réalités vivantes. C'est pourtant le moment où ce courant donne, avec Cyrano, son seul chef-d'œuvre du XVII.







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