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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE ROMANTIQUES






Le Romantisme est une tendance artistique, ou plutôt un ensemble de tendances nouvelles visant à libérer l'art des contraintes de la tradition ou du goût, à y introduire plus de couleur et de mouvement, et à l'animer par la chaleur du sentiment. Mais le Romantisme est aussi une attitude morale et philosophique, une conception de la vie et de la pensée, que l'on discerne non seulement dans la vie des hommes de cette époque, mais aussi dans les oeuvres qu'elle imprègne, même lorsque le genre auquel ces ouvres appartiennent paraît devoir les soustraire à toute théorie philosophique et morale. Beaucoup d'artistes romantiques ont fait de leur vie leur ouvre la plus caractéristique, celle où le Romantisme se voit avec le plus de force ; ce ne sont pas toujours les meilleurs ; il est peut-être plus facile d'imiter Bvron dans son allure et dans sa légende que dans son génie de poète. Théophile Gautier nous a laissé dans son roman Les Jeune-France (1833), un tableau vivant et coloré de la jeunesse de 1830, que nous y voyons mêler les influences les plus contradictoires : le goût d'un moyen âge haut en couleur et de son langage riche et parfois gras révélé par d'Arlincourt dans ses romans et par Hugo dans ses Ballades ou Notre-Dame de Paris ; le goût du mystère, du satanisme, du noir, du frénétique, de l'horrible ; le goût de l'éthéré, du suave, du céleste, du dolent, du mélancolique, à la Lamartine. Dans la tenue, même variété : le bousingot, étudiant bohème et adversaire du pouvoir, pauvre et hirsute, barbu et chevelu, braillant et buvant en des orgies bon marché, n'a rien de commun en apparence avec un dandy comme Musset, élégant et distingué, mais débauché, joueur, buveur et qui quitte un salon mondain pour un tripot. Cependant, derrière cette variété apparente, on retrouve le Romantisme comme élément commun, c'est-à-dire un certain désir de se singulariser, d'opposer à la méthode de vie du bourgeois, faite de logique, un illogisme volontaire, un désordre au moins apparent. Etre romantique c'est donc, d'abord, dénier à la raison le droit de contrôler seule les actes de notre vie, c'est reconnaître ce droit à deux autres éléments, tantôt confondus, tantôt séparés et presque opposés : le cour et la fantaisie. Les choses prendront leur valeur selon leur incidence sur la sensibilité ; la fantaisie du moment aura le droit de diriger nos actes. Sans doute les hommes ont toujours eu un cour, et toujours de la fantaisie ; mais, pendant deux siècles, le cour n'avait été que toléré, la fantaisie n'avait été qu'admise dans l'art ou réservée à des êtres marginaux. Le Neveu de Rameau a existé ; mais lui-même n'eût pas songé un instant à se prendre au sérieux. La différence vient donc de ce qu'une partie de l'opinion reconnaît désormais au cour ou à la fantaisie des droits dans l'ordre de la vie ; de ce qu'elle élève ces éléments au rang du bon sens, et même plus haut que lui ; il semble, en effet, et c'est là la source profonde d'une morale nouvelle, que le cour et l'imagination, représentant dans l'homme quelque chose de plus instinctif que la raison, soient des facultés plus conformes à notre nature essentielle, donc à qui l'on doive définitivement abandonner les rênes de notre gouvernement.





Un héros romantique comme Hernani offre une image précise de cette tendance générale. On ne voit dans ce personnage, et dans ses frères, qu'une sorte de fantoche artificiel, créé par un artiste qui avait tous les dons, sauf celui de la psychologie. Cette conception est bien fausse ; la valeur psychologique d'Hernani est aussi grande que celle de Néron ou de Britannicus ; le héros du drame de Hugo est un homme aussi humain, aussi réel qu'un Narcisse ou qu'un Mithridrate, et le recul du temps le fait mieux apparaître tel. Hernani aime sans savoir pourquoi ? La belle affaire ! Phèdre n'aime pas autrement ; et ceux des critiques qui s'indignent de cette « absence de psychologie », comment ont-ils aimé ? Hernani est une « force qui va » sans savoir où ; parmi la minorité d'êtres humains qui sont une force, combien y en a-t-il qui sachent où ils vont ? Rien de ,■ plus banal, hélas ! rien de plus vrai que cet être ballotté par un destin incompréhensible, qui ne peut se vouloir ni se refuser, qui assiste à sa destinée sana pouvoir la diriger, qui ne se sent qu'un « agent aveugle et sourd » de quelque noir destin, qui fait le mal sans le vouloir ; qu'on aime contre toute vraisemblance, qui poursuit un but et y renonce chaque fois qu'il est près de l'atteindre, qui n'est ni logique ni volontaire, mais hanté et changeant, entêté et impulsif, ardent et passif, qui toute sa vie durant se débat dans l'obscurité, et qui se comprend peut-être sans pouvoir se diriger. C'est cet aspect de l'homme, nullement moins vrai que celui du héros classique, que le Romantisme met en pleine lumière.



On le reconnaîtra peut-être, mais on ajoutera que cet homme n'a rien d'un héros, qu'il offre un triste et fâcheux aspect de l'humanité, et qu'il faut blâmer le Romantisme de lui avoir donné une telle place et de l'avoir paré de tout son art. Et cependant ! Dans ce refus de se tailler un bonheur stable en composant avec le destin, il y a quelque chose de haut ; le héros romantique fait rire le bourgeois qui a beau jeu à le prendre en flagrant délit de contradiction et d'illogisme, et qui lui reproche avec plus de condescendance amusée que de colère son incapacité de voir les choses comme elles sont ; mais n'est-il pas digne de quelque respect ? Cet abandon de soi, ce refus de reconnaître les lois d'une société qui n'a souvent comme autorité que la tradition, non moins aveugle que sa conduite, et l'intérêt étroit de ceux qui nient l'âme, n'est-ce pas le commencement au moins d'une sagesse morale plus dépouillée ? L'absence même de calcul, qui est la vertu selon Rousseau, n'est-ce pas le désintéressement ? Quoi qu'il en soit, on assiste, autour de 1830, à l'affirmation souvent inconsciente et, en général, inexprimée, d'une morale directement opposée à celle de La Fontaine ou de Molière ; une morale qui n'est plus réaliste, mais idéaliste, et esthétique plus encore qu'idéaliste, qui vient de Rousseau à travers Byron, qui mêle, dans une confusion toute nouvelle, le bien et le beau, et ne croit pas pouvoir séparer, dans l'appréciation de la valeur morale de l'individu, la noblesse du sentiment de l'élégance ou de la grandeur du geste.

D'ailleurs un autre héros romantique, presque opposé en apparence, se dresse devant celui-là ; à la même date de 1830, naissent en effet Hernani et Julien Sorel. Le héros du roman Le Rouge et le Noir est, lui, un être tout de caractère et de volonté, qui a appris à connaître la société comme elle est, pour pouvoir mieux s'y tailler sa place, qui ne s'octroie ni une défaillance, ni une faute contre la logique d'une conduite toujours tendue vers le même but : parvenir ; égoïsme, intérêt, raison froide, n'est-ce pas là le contraire du caractère d'un Hernani ? Rien de moins mystique qu'un Julien Sorel ! Ce serait pourtant réduire singulièrement le Romantisme que d'en ôter l'ouvre de Stendhal, sous prétexte qu'elle répond mal à l'idée qu'on se fait de cette école ; ne vaut-il pas mieux en étendre le sens de façon à lui permettre de s'adapter aussi à une ouvre dont l'auteur s'est toujours déclaré romantique ? La morale de Stendhal est fondée sur le culte de la passion ; la froideur du calcul est à son service ; le goût de l'imprudence, de l'acte héroïque et « gratuit », qui tire sa valeur de la seule affirmation d'une volonté libre, l'élan farouche d'un sentiment violent qui rejette brusquement la prudence et semble contrecarrer un dessein logiquement conçu, Julien Sorel assassinant Mme de Rénal et refusant de se défendre et de sauver sa tête, alors que tout lui permettait de s'innocenter, d'échapper à la justice, de reprendre le cours de son ascension sociale, cette acceptation du destin, ce mépris de l'intérêt le plus évident, tout cela révèle un homme qui est bien de la même famille qu'Hernani.



Le Romantisme est donc, dans l'histoire morale de l'humanité, une date aussi importante que dans l'histoire de l'art. Il remplace un idéal humain qui s'était imposé depuis la seconde moitié du XVIIe siècle par un autre, qui n'est pas mort ; il remplace la morale de la raison par celle du cour. Dans le domaine de la vie pratique, il donne à l'originalité une valeur morale, fonde les droits de la fantaisie, et pose, en face d'une morale bourgeoise et sociale, qui n'a certes pas abdiqué, une morale individuelle. Si le cour a autant de droits que la raison, l'individu en a autant que la société ; peut-être même en a-t-il plus ; sa pensée particulière, son imagination, sa sensibilité originales ont le droit de s'affirmer, dans la mesure où elles ne portent pas à la société un tort trop évident, et dans la mesure où l'individu qui prétend les faire triompher peut être considéré à certains égards comme supérieur. On voit par là s'introduire une troisième nouveauté morale : il y a deux morales, l'une bonne pour ceux qu'on peut considérer comme les éléments normaux de la société, la masse anonyme qu'aucun génie particulier ne relève, et l'autre pour les individus d'élite, pour ceux que l'art élève au génie, bien au-dessus des autres hommes. On sait quelle fortune cette conception morale trouvera auprès de ceux à qui la certitude de leur valeur la rendra utile. Un quatrième trait de cette morale romantique, c'est la valeur morale que l'on est prêt à reconnaître au grand artiste par le seul fait que c'est un grand artiste ; l'artiste est « l'homme supérieur » ; l'art est une sorte de don divin qui déteint sur l'être entier ; Boileau pensait qu'un malhonnête homme ne pouvait devenir un grand artiste ; on pense maintenant qu'un grand artiste ne peut être un malhonnête homme, non parce qu'il ne peut commettre de mauvaise action, mais parce que, comme il échappe, par les droits du génie, à la mesure courante de la morale, cette action n'est pas mauvaise. « Alexandre, disait Pascal, a fait plus d'ivrognes » qu'il n'a fait de grands capitaines ; Musset a fait plus de débauchés et Verlaine plus de piliers de café qu'ils n'ont fait naître de grands poètes.



Si l'art donne des droits à l'individu qui a du génie, il lui impose des devoirs ; l'artiste n'est plus moralement libre en tant qu'artiste ; chose curieuse, la liberté que tous les romantiques ont réclamée pour la technique de l'ouvre d'art, ils y renoncent d'eux-mêmes en ce qui concerne son but. Tous, à partir de 1830, se croient, à part Gautier et Musset, chargés d'une mission non pas morale, mais sociale, et humanitaire. Egalement éloignés de la propagande morale sous le prétexte de laquelle nos classiques feignaient d'écrire, de « l'art pour l'art » qui sera de mode à partir de 1850, et de l'action politique directe que condamnera un Vigny dans La Maison du berger, le romantique de 1830-1840 prétend, « les pieds ici, la tête ailleurs », diriger les peuples vers un avenir meilleur ; cette prétention suppose une philosophie, ou une conception du monde au nom de laquelle le poète parlera et qu'il s'efforcera de faire triompher, ou tout au moins de faire connaître ; elle suppose aussi que le poète, qui n'est pas qu'un porte-parole, est lui-même éclairé par une inspiration que ne reçoivent pas les autres hommes ; à son don d'expression, à sa possibilité d'influence, qu'ils voient supérieure à ceux des autres écrivains, s'ajoute le don de visionnaire dont le gratifie la puissance céleste. Musset seul n'a aucune prétention dans ce domaine-



Cette philosophie est, avant tout, une philosophie du devenir. Les grands événements politiques des cinquante dernières années, leur répercussion sociale et le bouleversement des habitudes imposaient aux esprits, à partir de 1830, l'idée que l'humanité doit évoluer. Ce postulat admis, la philosophie romantique cherche la direction de ce mouvement, et, quand elle l'a trouvée, l'indique. Remarquons que, contrairement à ce qui s'était passé pour le Romantisme allemand, le Romantisme français n'a donné aucun philosophe pur, aucun métaphysicien original. Cousin, le seul nom dont la réputation fut grande alors dans ce domaine, n'est pas une tête philosophique ; ouvert à bien des idées, habile à les exposer, il prend son bien partout, et ne fait oeuvre originale qu'en les rassemblant dans un système vague et sans force qui n'a laissé aucune trace dans l'histoire de la philosophie. En fait, il s'agit, quand on parle de philosophie romantique, de tendances profondes et précises, mais qui ne sauraient constituer un système ; tendances pragmatiques visant à l'action, plutôt que constructions purement intellectuelles. Dans le domaine politique, on croit à la mission de la France ; Lamartine est imbu de cette foi, depuis son voyage en Orient ; Michelet s'en fait le héraut et elle anime toute son ouvre historique, comme son livre sur Le Peuple (1846) ; on croit à un avenir de paix groupant les peuples dans une union fraternelle. En politique intérieure, le Romantisme a vite évolué, depuis 1830, vers un libéralisme de plus en plus accentué ; Lamartine fut républicain dès 1845 ; Hugo dès que la République fut installée ; ceux qui ne se sont pas retirés de toute activité politique sont devenus socialistes, comme George Sand jusqu'en 1849. On a foi dans le peuple, dont la voix confuse est celle même de Dieu, mais qu'il faut élever, instruire, à qui il faut apprendre à penser, à connaître sa propre pensée ; il faut l'aider à combattre et à annihiler les préjugés ; la religion, qui avait semblé au Romantisme de 1830 à la fois une source de poésie et, pour Michelet en particulier, la forme la plus haute qu'avait revêtue l'âme populaire dans les ténèbres du moyen âge, devient l'ennemie, sinon dans son essence, du moins dans son action et dans ses ministres ; elle sera remplacée par le culte de l'Esprit pur (VignY), par la religion progrès (HugO), par la mystique du Peuple, élu par Dieu, martyrisé par l'homme (MicheleT). Cette mystique a abouti à la Révolution de 1848, dans laquelle les écrivains romantiques portent une si lourde responsabilité, et a été tuée par les journées de juin et le coup d'Etat du Prince Président. Hugo seul, avec ses quelques amis exilés comme lui, a continué à en porter le drapeau et à la proclamer avec une éloquence à qui sa situation de proscrit donnait une force particulière.



Dans le domaine religieux, même influence romantique. Un grand renouveau non seulement d'ardeur sentimentale et de foi, mais aussi d'action religieuse marque cette époque. Des mouvements très complexes agitent le monde catholique, au sein duquel bien des tendances se discernent, aussi contradictoires parfois, aussi confuses en tout cas que dans le monde littéraire. Cependant, un sens général se dégage de tous ces efforts ; contre un dogmatisme froid, contre un rationalisme abstrait, contre une utilisation politique de la religion, on discerne une volonté de redonner à la foi sa source dans le cour et la sensibilité, et une tendance, moins générale, à rattacher la religion au grand mouvement social qui pousse l'humanité vers le progrès et vers l'avenir.



L'Avenir, c'est le nom que donne à son journal le prêtre Lamennais (1782-1854). Ce Breton, ardent et inquiet, que la foi brûla à 22 ans comme une passion, se défie d'abord de l'individualisme - de l'esprit, selon Descartes, ou du coeur, selon Rousseau - et, dans son fameux Essai sur l'indifférence en matière de religion (1817-1823), lui oppose l'adhésion à la vérité universelle. Contre l'ultramontanisme qui se dégage de son second ouvrage : De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil (1826), l'Eglise se dresse ; quand enfin par son ouvrage de 1829 : Progrès de la Révolution et de la guerre contre l'Eglise, il dénonce le tort fait à la foi par le refus de l'Eglise de s'associer au mouvement libéral, il est condamné par elle, et, désormais indépendant, va tendre de toutes ses forces à rapprocher l'Eglise du peuple. Comme les poètes, comme les historiens, comme les romanciers romantiques, ce prêtre va parler pour le peuple, va pencher vers lui la vérité religieuse comme les autres penchaient vers lui l'art et la pensée. Autour de Lamennais se groupent, en particulier dans sa propriété de La Chesnaie, des disciples et des amis pénétrés du même idéal et soumis à l'autorité de ce puissant esprit. Il fonda en 1830 son journal L'Avenir, dont le programme est d'associer « Dieu et la Liberté », et qui fut condamné par Rome en 1832. Lamennais se sépare alors définitivement de l'Eglise avec la publication de ses Paroles d'un croyant (1834), dont le succès fut immense dans le publie populaire. Lamennais y blâme avec le ton enflammé du prophète et la sévérité du juge toutes les puissances du monde, montrant la méchanceté du riche, l'incapacité des rois, l'incompréhension même de l'autorité ecclésiastique. Le Livre du peuple (1836) va exactement dans le même sens que Le Peuple de Michelet

(1846) et l'Histoire des Girondins de Lamartine

(1847) ; l'ancien prêtre, l'historien, le poète proclament les droits du peuple et annoncent ou préparent la Révolution de 1848. Devenu républicain, il se fait peu à peu oublier malgré de nombreux opuscules ; ses amis l'ont tous abandonné après sa condamnation de 1832. Lamennais est un exemple frappant de l'effort fait par certains catholiques pour ne pas perdre le contact avec la force grandissante du peuple ; si l'autorité religieuse avait accepté le mouvement dont il était l'initiateur, l'Eglise aurait participe à. ce mouvement général du Romantisme vers le peuple. Mais Lamennais reste un isolé malgré l'enthousiasme de ses disciples et le succès de masse qu'ont eu ses ouvrages, et qu'ils doivent en grande partie à un style dru, ardent, passionné, ramassé ou éloquent, jamais terne ni abstrait, à un style aussi romantique que l'étaient ses idées.



Romantique également, à un autre point de vue, Montalembert (1810-1870), polémiste et historien, collaborateur de l'Avenir, qui découvre, en 1830, l'art chrétien du point de vue religieux, comme les poètes le découvraient du point de vue artistique, et rappelle à la religion sa naïve origine médiévale. Lacordaire (1802-1861), emporté lui aussi par l'élan qui poussait tant de jeunes romantiques vers Lamennais, apporte à L'Avenir sa fougueuse collaboration, mais quitte son chef après sa condamnation, garde cependant le contact avec la jeunesse romantique intellectuelle qui suit avec passion son enseignement, et ne peut se détacher d'une faveur secrète pour un libéralisme populaire plus sympathique à ses yeux que la sécheresse du matérialisme sceptique du bourgeois. Ame romantique, qui connut le trouble, le mal du siècle, et à qui rien n'est plus étranger que l'équilibre bourgeois, il sut prêcher avec un style romantique, imagé, passionné, coloré ; hors des règles traditionnelles de l'éloquence classique, il a su, comme les poètes et les prosateurs romantiques, trouver une nouvelle éloquence, fondée sur le cour qui parle au cour, sur l'âme qui s'adresse à l'âme. L'influence de ce mouvement religieux est grande sur la littérature romantique. Sainte-Beuve a subi personnellement l'ascendant de Lamennais, et son roman Volupté en porte la trace ; Vigny croit trouver en lui le moyen d'associer sa foi chrétienne et sa croyance dans l'avenir du peuple ; Hugo n'a-t-il pas, après 1850, continué l'ouvre de Lamennais, en prônant une religion du peuple, et Lamartine aurait-il rêvé son grand poème des Visions et écrit Jocelyn et La Chute d'un ange sans la prédication mennaisienne ? George Sand surtout sentit son ascendant, et lui doit l'inspiration de plusieurs de ses romans.



La philosophie romantique a été aussi profondément influencée par le mouvement scientifique et industriel, et par les idées sociales qui en furent la conséquence ; la rapidité avec laquelle les inventions se sont succédé dans le domaine technique, en particulier vers le milieu du xixe siècle, ne pouvait manquer de frapper les imaginations et, par suite, de faire réfléchir les esprits. Après un moment d'hésitation (tous les poètes sont d'abord hostiles aux chemins de feR), le Romantisme adopte la science, il en rattache les progrès à ses idées de libération de l'humanité, assimile Saint-Simon et Fourier, théoriciens des rapports de la science industrielle et de l'homme, tandis que le socialiste Pierre Leroux l'éclairé sur le rôle de l'écrivain et sur ses devoirs vis-à-vis de la société.



On ne saurait donc séparer le Romantisme littéraire d'un vaste mouvement intellectuel qui renouvelle les bases de la morale et de la conception de la vie, tourne la poésie, le roman, l'histoire, vers une philosophie du progrès par le peuple, incline la religion vers un libéralisme populaire, et crée le socialisme. Par un échange fécond, l'art et la pensée s'interpénétrent ; l'artiste se sent obligé de devenir penseur, et le penseur, sans le savoir, a respiré l'enseignement qu'a répandu l'artiste.








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