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La littérature française à l'ombre de l'Eglise






L'essor de la littérature profane n'a pas plus tari la veine religieuse dans cette langue qu'il ne s'était produit au détriment du latin. Le souci pastoral ou didactique qui avait présidé à l'apparition et à la conservation écrite des premiers textes en langue vulgaire n'a jamais cessé de se manifester sous des formes variées.



Prières et textes liturgiques traduits ou glosés



C'est ainsi que l'on trouve dans des manuscrits latins, en particulier dans des psautiers, des prières en français, traductions ou adaptations du Te Deum, du Gloria, de l'Agnus Dei, du Sanctus, du Veni Creator, litanies des saints, dans lesquelles l'utilisateur du manuscrit, s'il savait mal le latin, pouvait trouver une expression plus familière de sa ferveur. On trouve également dans des recueils divers, latins ou français, des traductions assez nombreuses des prières usuelles, le Pater, le Credo, l'Ave Maria, en prose ou en vers. Certes, ces prières ne relèvent pas en elles-mêmes de la littérature. Elles sont toutefois proches de celles qui se trouvent parfois insérées dans les chansons de geste ou dans les romans et manifestent ainsi la cohérence de la sensibilité religieuse.



D'autre part, il suffit que la traduction soit accompagnée, comme il arrive souvent, d'un commentaire pour que l'on se rapproche, sinon de l'éloquence sacrée, du moins des traités d'édification. L'homéliaire de Maurice de Sully est ainsi précédé d'une traduction glosée du Pater et du Credo. On est proche également de la prédication avec les épîtres farcies. Elles sont plusieurs, en langue d'oc et en français, pour la Saint-Etienne (26 décembrE), mais il en existe aussi pour la Saint-Jean d'hiver (saint Jean l'Évangéliste, 27 décembrE) et pour celle d'été (saint Jean-Baptiste, 24 juiN), pour la fête des saints Innocents (28 décembrE) et pour celle de quelques autres saints, y compris saint Thomas Bccket (29 décembrE), pour quelques grandes fêtes liturgiques enfin, Noël, Circoncision (lrr janvieR), Epiphanie, Assomption. Dans ces poèmes, l'épître du jour est citée ou traduite, puis commentée phrase par phrase. L'abondance de ces épîtres farcies pour la période qui va de Noël à l'Epiphanie montre le souci d'associer les fidèles aux offices lors des temps forts de l'année liturgique.



Les traductions de la Bible



Il est donc souvent difficile de distinguer nettement ce qui relève de la traduction de ce qui relève de la prédication, presque toujours fondée elle-même sur des modèles latins. Toutefois, il faut faire une place particulière aux traductions de la Bible, fragmentaires au XII siècle, systématiques au siècle suivant.

Il existe pour la fin du XII' siècle deux traductions, très littérales, du psautier, l'une d'après la version hébraïque, l'autre d'après la version gallicane de saint Jérôme. A la fin du siècle, le « premier commentaire français des psaumes » offre lui aussi, au fil du commentaire verset par verset, une traduction intégrale. On date de la même époque une élégante traduction glosée des Quatre livres des Rois. Vers 1189, Hermann de Valenciennes compose la première adaptation intégrale en vers français de la Bible.



Au début du XIIIe siècle, les traductions se multiplient. On peut relever parmi elles une traduction en vers du Livre des Juges destinée aux chevaliers du Temple et une traduction de l'Evangile de Jean en langue d'oc. Peu après paraît la première traduction complète en prose de la Bible, glosée par endroits, élaborée sans doute dans les milieux universitaires parisiens et connus sous le nom de Bible française du XIII' siècle. Un demi-siècle plus tard, entre juin 1291 et février 1294, Guiart des Moulins adapte librement en français l'Historia scolastica de Pierre le Mangeur. A sa Bible historiak, comme on l'appela, les manuscrits ajoutèrent souvent une partie de la Bible française du XIII' siècle, de façon à former la Bible historiak complétée. Durant tout le XIIIe siècle, les traductions en vers, partielles ou complètes, de la Bible se font très nombreuses. La plupart d'entre elles sont des adaptations libres, augmentées de farcissures et de commentaires nombreux ; on peut citer parmi elles celle de Macé de la Charité-sur-Loire, entreprise en 1283. A partir du XIVe siècle, les traductions nouvelles sont souvent contenues dans des manuscrits richement illustrés à l'usage des laïcs, où le texte est subordonné à l'image, comme dans la Bible moralisée, ou offrant une version très abrégée du texte scripturaire, comme celle de Roger d'Argenteuil.



Le nombre de ces traductions peut étonner, si l'on songe à la répugnance que manifestera l'Eglise catholique après la Réforme à permettre aux fidèles la lecture directe de la Bible dans leur langue. Il faut pourtant bien comprendre l'attitude qui est la sienne au Moyen Age. A ses yeux, seule la spéculation en langue vulgaire est dangereuse, car elle peut conduire à l'hérésie des esprits mal formés ; mais l'édification est toujours permise. L'université de Paris qui en 1210, après la condamnation de David de Dinant, ordonne de brûler tous les ouvrages de théologie en langue vulgaire, encourage d'autre part les traductions de la Bible et excepte explicitement de sa condamnation les vies de saints. C'est pourquoi il ne faut pas attribuer trop facilement les traductions vernaculaires de la Bible aux hérétiques. Celles que Gautier Map a vu remettre par les Vaudois au pape Alexandre III lors du IIIe concile de Latran, en 1179, sont bien perdues. En revanche, les deux traductions intégrales du Nouveau Testament en langue d'oc que l'on possède pour le Xlir siècle sont peut-être effectivement hérétiques. L'une d'elles, dans le plus ancien des deux manuscrits qui la contiennent, celui de Lyon (fin du XIIIe sièclE), est suivie d'un rituel que les uns disent vaudois, les autres cathares.

Un dernier point touchant ces traductions doit être souligne. Les unes, on l'a vu, sont en prose, les autres en vers. Mais certaines, parmi les plus anciennes, ne sont, si l'on peut dire, ni en vers ni en prose. Ce sont des gloses juxtalinéaires dont la lecture suivie est inintelligible si l'on n'a pas le texte latin en regard, parce que leur fidélité à l'original latin est telle qu'elles échappent à la syntaxe du français. D'autres semblent intermédiaires entre la prose et le vers, comme celle des Quatre livres des Rois, où les phrases rimées sont nombreuses, sans qu'il s'agisse nécessairement, comme on l'a cru, de la mise en prose d'une traduction en vers antérieure. Les premières traductions réellement en vers n'apparaissent guère avant l'extrême fin du XIIe siècle.



Or, depuis les premiers siècles du christianisme, et alors qu'il ne s'agissait encore que du latin, la légitimité des adaptations du texte sacré en vers, et même celle des poèmes religieux, était mise en question. Certes, leurs auteurs faisaient observer, comme Arator ou Ennode, que certains livres de la Bible sont des poèmes. Mais le livre même de la révélation chrétienne, le Nouveau Testament, est en prose. C'est en prose que Jésus parlait et que ses paroles ont été recueillies. D'une façon générale, et alors que les oracles antiques étaient encore si proches, personne ne semble jamais avoir douté que Dieu parlât en prose. Il n'est venu à l'idée ni des Septante ni de saint Jérôme de traduire la Bible en vers. Des discussions autour des adaptations en vers, il ressort que la prose semblait à tous moins apprêtée, plus transparente à l'idée, plus vraie, pourrait-on dire, que le vers. En outre, les simples la comprenaient plus facilement, et le souci pastoral, toujours présent, exigeait donc qu'elle fût préférée. Avit de Vienne renonce à la forme poétique « car trop peu comprennent la mesure des syllabes » et un peu plus tard l'évêque Léon de Noie fait résumer en prose le poème de Paulin sur saint Félix.

Mais les traductions en langue romane posaient un problème supplémentaire. Car, jusqu'à la fin du XIIe siècle, il n'existe pas de prose écrite dans ces langues. Le vers est la seule forme d'expression littéraire. Les traducteurs devaient donc être partagés entre le souci de fidélité à l'original, ce qui, en vertu d'une longue tradition, équivalait dans leur esprit à l'obligation d'écrire en prose, et les formes contraignantes de l'expression écrite en langue vulgaire, qui tendaient à leur imposer le vers. Il n'est pas impossible qu'un choix délibéré, né, dans ce domaine comme dans bien d'autres, de l'application aux nouvelles langues des lois littéraires de l'ancienne, ait orienté les premiers d'entre eux vers la prose, faisant d'eux, par une sorte de hasard, les créateurs de la prose française. Dans le chapitre consacré à la naissance de cette prose, nous retrouverons cette question.



Sermons en prose et en vers. Les états du monde



La même hypothèse peut s'appliquer aux plus anciens sermons romans, guidés par des modèles latins en prose et destinés à une expression orale sentie instinctivement comme appartenant à la prose. A partir de la fin du XIIe siècle, en effet, les sermons sont conservés un peu plus souvent, bien qu'encore exceptionnellement, en langue vulgaire.

D'une part, parmi les manuels de prédication à l'usage des prêtres, ou plus exactement parmi les recueils de sermons modèles per totum circulum anni, pour les dimanches et les fêtes de l'année liturgique, qui étaient abondamment diffusés depuis l'époque carolingienne, quelques-uns commencent à être rédigés en français ou dans une autre langue romane. Les prédicateurs n'ont ainsi même plus à traduire, pour le répéter devant leurs ouailles, le sermon qu'ils trouvent tout prêt dans leur « livre du maître ». Le plus célèbre, le plus complet, le plus diffusé de ces homéliaires est celui de Maurice de Sully, évêque de Paris de 1160 à 1196, qui entreprit la construction de l'actuelle cathédrale Notre-Dame. Il en existe une version latine, la seule à être certainement de Maurice de Sully, et une version française, qui est peut-être de lui et qui n'est en tout cas pas postérieure à 1220. Cette dernière, souvent plus explicite, plus répétitive, plus moralisante que la version latine, confirme ainsi par son contenu même le souci d'adaptation à un public populaire.

D'autre part, dans le courant du XIIIe siècle, apparaissent en assez grand nombre des recueils de sermons à lire, destinés à des dévots et, plus encore, à des dévotes. Les textes qu'ils contiennent sont le plus souvent centrés sur la conversion et le détachement du monde, et il n'est pas rare que leur tonalité soit nettement mystique. La spiritualité cistercienne y est partout présente, comme le confirment les nombreuses traductions de sermons, d'épîtres, de paraboles de saint Bernard. Ainsi, un même manuscrit contient une traduction des quarante-quatre premiers sermons sur le Cantique des Cantiques (Sermones in CanticA), de l'épître De l'amour de Dieu (De diligendo DeO) et des homélies En louange de la Vierge mère (In lau-dibus Virginis matriS).



Les sermons en vers ne ressortissent pas de la prédication, mais de la poésie morale, souvent teintée de satire. C'est le cas du sermon Grant mal fist Adam, de celui de Guichard de Beaulicu, des Vers de Thibaud de Marly, du cycle de sermons du Poème moral ou du Sermon au puile de Bérengier. Même les Evangiles des domees de Robert de Gretham, ouvrage qui semble proche des sermons du temporal, puisqu'il traduit et commente les Evangiles des dimanches, ne sont rien d'autres en réalité qu'un livre de lectures édifiantes. Beaucoup de ces textes, et d'autres encore comme le Livre des Manières de l'évêque Etienne de Fougères (ca 1175), comme la Bible de Guiot de Provins à la fin du XIIe siècle et celle d'Hugues de Bcrzé entre 1215 et 1220, prennent la forme d'une revue des états du monde, examinant successivement toutes les catégories de la société pour faire la satire des vices propres à chacune et les flétrir. Ils forment une sorte d'extension littéraire des sermones ad status, sermons conventionnellement adressés à un type social ou moral.

Cette poésie édifiante et satirique prend volontiers un tour personnel, très sensible, par exemple, dans les célèbres Vers de la mort du cistercien Hélinand de Froidmont (ca 1195). On verra plus loin que les conséquences de cette orientation dépassent largement le cadre de la littérature morale et religieuse.



Littérature hagiographique et mariale



Vies de saints, sermons sur les saints : les genres là encore se confondent. La grande compilation hagiographique rédigée en latin à la fin du XIIIe siècle par le franciscain italien Jacques de Voraginc, et connue sous le nom de Légende dorée, suit elle-même l'ordre du calendrier liturgique. Bientôt traduite en français, elle n'est que l'aboutissement, marqué par le goût de son temps pour l'exhaustivité encyclopédique, des innombrables vies de saints importées d'Orient, comme les Vito patrum, ou produites en Occident depuis le haut Moyen Age et traduites ou récrites en langue vulgaire, en vers ou en prose, depuis l'origine de ces langues. Les énumérer serait interminable autant qu'insipide. Certaines, en vers, sont l'ouvre d'auteurs connus. Wace, dont on verra l'importance pour la naissance du roman breton, est l'auteur d'une Vie de sainte Marguerite, d'un Vie de saint Nicolas, d'une Conception Nostre Dame. Guillaume le Clerc de Normandie a écrit une Vie de sainte Marie-Madeleine, Rutebeuf une Vie de sainte Marie l'Egyptienne. La vie d'un contemporain, comme Thomas Becket, au destin lourd d'implications politiques, a immédiatement inspiré des récits en latin et en langue vulgaire, généralement produits sur commande. Quatre ans à peine après l'assassinat, en 1170, de l'archevêque de Canterbury dans sa cathédrale par des chevaliers du roi d'Angleterre Henri II Plantagcnêt, le jongleur Guernes de Pont-Sainte-Maxcnce achève, grâce à l'appui de la famille, une Vie de saint Thomas Becket de plus de six mille vers.

La dévotion mariale, qui ne cesse de s'amplifier, a de son côté des répercussions considérables sur la littérature. Poèmes et chansons en l'honneur de la Vierge sont si nombreux qu'il serait vain d'en vouloir donner ici une idée. Les miracles de la Vierge, son pouvoir intercesseur, sa miséricorde envers les pécheurs ou - beaucoup plus rarement ! - - sa vindicte fournissent la matière d'un très grand nombre d'exemple, ces anecdotes édifiantes destinées à illustrer les sermons et bientôt réunies en recueils systématiques. En français, on voit apparaître des collections de miracles de la Vierge en vers, souvent liées à ses lieux de pèlerinage : Miracles de Notre-Dame de Chartres, Miracles de Notre-Dame de Rocamadour.



Le recueil le plus important et le plus remarquable dans ce domaine est celui de Gautier de Coinci (1177-1236), moine de Saint-Medard de Soissons, qu'il quitte en 1214 pour devenir prieur à Vic-sur-Aisne et où il revient comme grand-prieur en 1233. Ses Miracles de Notre-Dame sont divisés en deux livres, dont chacun fait précéder les miracles - près de soixante au total - de chansons lyriques en l'honneur de la Vierge. Poète habile et parfois inspiré, excellent conteur, à la langue souple et riche, à l'esprit acéré et parfois mordant, Gautier de Coinci est un auteur de premier plan.



Littérature didactique, littérature scientifique



Cet ensemble vaste et mouvant n'a d'autre unité que sa dépendance à l'égard de l'Eglise et de la latinité. D est presque tout entier fondé sur une démarche de traduction et d'adaptation.

Traduction et adaptation, d'abord, d'ouvrages à caractère dogmatique ou moral. Les célèbres Dialogues de Grégoire le Grand sont traduits en français dès le XIIe siècle. Le digest de la foi et du dogme qu'est YElucidarium d'Honorius Augustodunensis fait l'objet de nombreuses traductions en prose ou en vers, comme celle de Gilbert de Cambres. Le Moralium dogma philosophorum de Guillaume de Conchcs est traduit en français et remanié dans le Livre de philosophie et de moralité d'Alard de Cambrai, qui attribue fictivement chaque proverbe à un philosophe de l'Antiquité, le commente et l'illustre d'anecdotes. La Disciplina clericalis du juif converti Pierre Alphonse fait l'objet de deux traductions françaises, la Discipline de clergie et le Chastoiement d'un père à son fils. Cet ouvrage exercera une influence considérable : les contes d'origine orientale que le père résume à son fils en grand nombre sous prétexte de lui enseigner la saine morale et les bonnes manières se retrouveront bientôt dans la littérature française sous forme de fabliaux ou de contes d'animaux.



D'autre part, l'ouvrage de Pierre Alphonse et ses traductions en français sont caractéristiques de la littérature d' « enseignements » qui se développe dans cette langue comme en langue d'oc et qui vise à l'instruction tantôt religieuse, tantôt mondaine des destinataires. On peut citer, parmi les ouvrages religieux dece type, la Lumière as lais de Pierre de Peckham, le Manuel des péchés attribué à William de Waddington, le Miroir du monde d'un cistercien anonyme, récrit et transformé par le dominicain Laurent, confesseur du roi de France Philippe III le Hardi, sous le titre de la Somme le roi, YAprise de norture (« apprentissage de l'éducation »), et, un peu plus tard, la Doctrina puéril de Raymond Lulle, bientôt traduite du catalan en français sous le titre Doctrine d'enfant. D'autres traités d'éducation sont essentiellement, voire uniquement profanes, comme les Enseignements Trebor, le Doctrinal Sauvage, Y Ornement des dames, le Ckastiement des dames de Robert de Blois, Los vers dels escohis du troubadour Scrvcri de Gérone, le traité des Quatre âges de l'homme de Philippe de Novare, tous les ensenhamens des troubadours, celui d'Amanieu de Sescas, celui d'Arnaut de Mareuil, celui de Garin le Brun, celui de Raymond Vidal de Besalu.



On verra qu'à la fin du Moyen Age, non seulement les ouvrages d'éducation et de piété se multiplient, mais encore qu'apparaissent des tentatives à la fois plus concrètes et plus ambitieuses pour assurer en un seul livre, comme l'avait déjà tenté Raymond Lulle, l'éducation pratique, morale et religieuse du lecteur ou, plus souvent, de la lectrice.

Quant à la littérature scientifique en langue vulgaire, elle se manifeste de bonne heure, même s'il faut attendre le XIV siècle pour la voir prendre son véritable essor, mais sous des formes bien particulières. D'abord celle du calendrier et du comput : savoir déterminer la date de Pâques était une connaissance indispensable. Le premier comput français, celui de Philippe de Thaon, remonte au début du XIIe siècle (1113, ou peut-être 1119). Ensuite la connaissance des animaux et des pierres, avec leurs vertus et leur symbolisme. On a signalé l'importance du lapidaire de Marbode. D inspirera de nombreux traités français. Les bestiaires dérivent presque tous d'un ouvrage grec, tôt traduit en latin, le Physiologus. Certains s'inspirent du De bestiis d'Hugues de Saint-Victor. La liste des animaux, les uns réels, les autres mythiques, est presque toujours la même. La description de chacun d'eux et de ses mours débouche sur une interprétation allégorique à caractère religieux et moral : le cerf, le lion, le rhinocéros, le pélican représentent le Christ, l'aigle le baptême, la tourterelle l'Eglise, la sirène les biens de ce monde, la « serre » le diable, le castor le sage etc. Le plus ancien bestiaire français est là encore celui de Philippe de Thaon, qui est suivi d'un lapidaire (entre 1121 et 1135). Il est suivi de bien d'autres, celui de Guillaume le Clerc, celui de Gervaise, celui de Richard de Fournival qui, comme le font troubadours et trouvères, transforme l'allégorie religieuse en allégorie amoureuse.

Au Xlir siècle, l'esprit encyclopédique et l'effort scientifique se manifestent en français avec, vers 1250, Y Image du monde en vers de Gossuin de Metz, avec le Livre du Trésor en prose de Brunet Latin (1220-1294), notable florentin un moment établi à Paris et qui écrit en français, avec, en prose encore, le traité scientifique et médical sous forme de questions et de réponses de Placides et Timeo.

Mais nous voici à la fin du XIIP siècle, plus de deux cents ans après la Vie de saint Alexis, qui était le point le plus extrême du développement de la littérature française que nous avions atteint avant d'insérer, à titre de repère, ce chapitre synthétique. Avant de reprendre à présent le cours interrompu de l'histoire littéraire, observons que cette anticipation était nécessaire. Non seulement pour peindre le fond latin sur lequel se détache la littérature ver-naculaire. Non seulement pour montrer l'importance du courant édifiant et didactique qui ne cessera, sous ses multiples formes, de l'irriguer. Mais encore parce que les notions d'apprentissage, de modèle, d'effort, de travail, de savoir définissent pendant tout le Moyen Age une littérature qui aspire à une légitimité intellectuelle et morale, et qui se veut le fruit de la compétence plus que de l'inspiration.






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