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Essais littéraire

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CINNA OU LA CLÉMENCE D'AUGUSTE






1. Un scénario pathétique



Un jour, l'empereur Auguste se demande s'il ne doit pas abdiquer. Trente-deux ans plus tard, il répond par la clémence à la conspiration de Cinna. Corneille place les deux événements le même jour ; il imagine que c'est précisément Cinna et un autre conspirateur, Maxime, que l'empereur consulte sur son projet d'abdication. Il choisit pour âme de la conspiration une certaine Emilie ; il en fait l'amante de Cinna, l'objet des voux malheureux de Maxime et la fille adoptive d'Auguste dont elle veut cependant la mort parce qu'il a jadis fait périr son père.



2. Une leçon politique d'actualité





Cinna est inspiré de Sénèque et Dion Cassius, mais le choix du sujet procède d'une réflexion sur l'actualité. La politique de Richelieu suscite à la fois des complots aristocratiques et des soulèvements populaires (p. 61). L'année 1639 est marquée par une révolte du peuple de Rouen, en liaision avec celle des Va-nu-pieds des environs. Elle est suivie d'une sévère répression, du remplacement des échevins et de l'exil du Parlement (qui avait réagi mollemenT). En décembre 1640, le duc de Vendôme est accusé d'avoir voulu faire assassiner Richelieu dix-huit mois plus tôt. Le 20 mars 1641, un tribunal spécial, présidé par le Roi, se réunit pour le juger. Le 17 mai, une lettre du Cardinal demande la clémence. En fait, il pensait qu'« on ne saurait commettre un plus grand crime contre les intérêts publics qu'en se rendant indulgent envers ceux qui les violent » {Testament politique, p. 340). Mais cette fois, on manquait de preuves et l'accusé s'était réfugié en Angleterre. Le tribunal demanda que cette lettre fût enregistrée au Parlement, « pour demeurer à la postérité » en témoignage de « la magnanimité » de Richelieu. Vers le début de cette même année, un Rouennais connu de Corneille, Alexandre de Campion, s'entretient avec ses amis de divers sujets et notamment du pouvoir tyrannique de Richelieu et du problème de la clémence, le « plus sûr appui de l'autorité souveraine ». Ce Campion était confident du comte de Sois-sons. Comme tel, il avait participé à deux projets d'assassinat de Richelieu en 1636. En 1641, il est encore auprès du comte qui, soutenu par les ducs de Guise et de Bouillon, par le roi d'Espagne et l'Empereur, lève une armée rebelle. Soissons est vainqueur, mais tué (6 juillet 1641). Richelieu préconise la réconciliation avec ses complices. Ce qui n'empêche pas un nouveau complot, particulièrement redoutable, celui de Cinq-Mars, favori du Roi, qui a signé un traité secret avec l'Espagne. Arrêté le 13 juin 1642, il est exécuté le 12 septembre. C'est probablement entre ces deux dates qu'eut lieu la première de Cinna.

La conspiration héroïco-romanesque d'Emilie et Cinna est caractéristique d'une époque qui va de 1626 à la Fronde. On conspire par passion ambitieuse ou amoureuse, sans politique de rechange et les secrets sont mal gardés : voyez Mme de Chevreuse, Mme de Longue-ville, la Grande Mademoiselle, Retz, Beaufort, La Rochefoucauld.



3. Un sacrilège politique



Comme Le Cid, Cinna oppose la loi du Père à celle de l'État. Emilie doit venger son « père massacré » par la « propre main » du tyran (11) dont il était le « tuteur » (1599)- D'un point de vue féodal et affectif, sa « fureur » est « juste » (17).



Pour qui venge son père, il n 'est point de forfaits. (83)



Aux yeux des conjurés, cette vengeance familiale coïncide avec les « intérêts publics » (106 ; cf. 156). La mort du « tyran » sera- « la liberté de Rome » (110).

Corneille dénonce cette illusion : dans un pays divisé par de puissantes factions,



...la liberté ne peut plus être utile

Qu'à former les fureurs d'une guerre civile. (585-6)



Le meurtre du père de la patrie est infiniment plus grave que celui d'un père de famille. C'est un sacrilège : il n'appartient qu'à Dieu de renverser les trônes (1003-1010). Certes, Auguste est arrivé au pouvoir parce qu'il a commis plus de crimes que ses concurrents. Il rappelle lui-même les «fleuves de sang où [s]on bras s'est baigné» (1132). Mais tout cela



Fut un crime d'Octave et non de l'empereur.

Tous ces crimes d'Etat qu 'on fait pour la couronne,

Le ciel nous en absout alors qu 'il nous la donne,

Et dans le sacre' rang où sa faveur l'a mis,

Le passe" devient juste et l'avenir permis.

Qui peut y parvenir ne peut être coupable ;

Quoi qu'il ait fait ou fasse il est inviolable. (1608-1644)



4. « La vertu la plus digne des rois » (1244)



Il faut oublier les crimes passés du père de la patrie. Sa fonction les abolit, comme leur victoire abolissait ceux de Rodrigue et d'Horace, sauveurs de la communauté. Cinna répète les deux pièces précédentes. Mais_ il complète leur leçon par sa réciproque : une fois consolidé (17), l'État doit pardonner aux comploteurs repentants. Par tactique, car dans l'univers héroïque



Une tête coupée en fait renaître mille. (1116)



Par vertu héroïque : car c'est la « dernière victoire » (1698) de la maîtrise de soi. Par vertu politique enfin : le pouvoir est valeur suprême parce qu'il incarne l'intérêt collectif ; comme tel, il se doit de réintégrer ses ennemis mêmes dans la communauté nationale ; le lavant de son péché originel de violence,



...la clémence est la plus belle marque

Qui fasse à l'univers connaître un grand monarque. (1265-66)



Le pouvoir n'est solide que parce qu'il incarne la valeur. Elle montre qu'il émane de Dieu et elle l'impose au respect des hommes. La clémence est le signal, inspiré par « le ciel » (1258) de l'union nationale dans la soumission monarchique voulue par ce même « ciel » (1721) :



Après cette action vous n 'avez rien à craindre,

On portera le joug désormais sans se plaindre

Et les plus indomptés, renversant leurs projets,

Mettront toute leur gloire à mourir vos sujets. (1757-60)



5. Les personnages



Digne du « sang des grands héros » dont elle provient (1314) et de tous ces Romains



................................ que le Ciel [a] fait naître

Pour commander aux rois et pour vivre sans maître, (1001-2),



Emilie incarne la fière générosité face au tyran. Il peut



... changer à son gré l'ordre de tout le monde,

Mais le cour d'Emilie est hors de son pouvoir. (942-943)



Elle épouse l'héroïsme jusqu'à en être « trop inhumaine » (798). Toutefois, elle est femme, c'est-à-dire emportée par la passion, comme Médée, Camille ou Cléopâtre : une « adorable furie » (Balzac, 1643). Elle soumet son « amour » à son « devoir » (48). Mais celui-ci tient de la frénésie passionnelle plutôt que de la raison, qui est l'intégration de la loi sociale.

Rodrigue et surtout Horace surpassaient les contraintes. Elles accablent Cinna, qui n'est parfois qu'un pantin. Quand le tyran parle d'abdiquer, craignant de perdre la possibilité d'un meurtre nécessaire à sa gloire et à son amour, il le persuade de garder le trône, en célébrant ses « rares vertus » (418) et ses « grandeurs légitimes » acquises « sans crimes » (413-414). Ce n'est, il est vrai, qu'une demi-hypocrisie, car il admire sincèrement l'empereur - d'autant plus que celui-ci le flatte (881-884).



... Mais hélas '.j'idolâtre Emilie ;

Un serment exécrable à sa haine me lie. (813-814)



Si elle acceptait de pardonner à Auguste, peu importerait le salut public :



Dure, dure à jamais l'esclavage de Rome ! (886)



Maxime, conspirateur lui aussi par amour autant que par idéal, trahit la cause de la liberté quand sa « jalouse rage » (1672) découvre que son ami est son heureux rival. Un despote ne peut nous enlever que « nos biens, nos jours, nos femmes » ; l'amour tyrannise « nos âmes » ; il



Force jusqu'aux esprits et jusqu'aux volontés. (1053-56)



Enfin Euphorbe permet de reporter partiellement la responsabilité de la trahison sur un ancien esclave (1407-24).

En face, Auguste et Livie, comme les rois du Cid et d'Horace, incarnent la raison et la justice, c'est-à-dire la résultante où s'équilibrent les contradictions. N'est-ce pas la définition même du compromis historique de l'absolutisme ?



6. Intérêt et faiblesses



La réflexion politique s'approfondit dans Cinna. Mais le lyrisme épique, qui assurait l'emprise affective du Cid et d'Horace, diminue, tandis que le débat rationnel qui affaiblissait leur dernier acte s'étend largement. Rodrigue et Horace naissaient dans l'exaltation collective et spontanée. Auguste s'interroge dans les solitudes du pouvoir et de la raison. Cette pièce convainc sans transporter : leçon de morale assénée d'en haut. Est-ce par compensation qu'apparaît dans Cinna une galanterie romanesque qui va bientôt caractériser fâcheusement la littérature ?



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