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BERGSON






« Bref, la pure durée pourrait bien n'être qu'une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent sans contours précis, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns par rapport aux autres. »



Dans ce texte célèbre, datant de 1889, un des premiers où Bergson dévoile le mouvement fondamental le plus obscur et le plus difficilement définissable de sa pensée, que percevons-nous, ou plutôt qu'entr'apercevons-nous, car c'est à peine si, dans ce cas, nous pouvons distinguer quelque chose ? Ce qui apparaît, c'est non pas même une forme, si imprécise qu'une forme puisse être, mais une entité presque informe, indivisée, mouvante, composée d'une succession d'états plus au moins fondus les uns dans les autres, et qui, loin de se présenter comme une pluralité d'expériences distinctes et nettement détachables, se révèle être une vague substance continue, dont il serait vain de vouloir saisir séparément les contours. Confusion donc, mais confusion mouvante, vivante. Au heu d'un assemblage composé de parties indépendantes, une continuité lisse et, pour ainsi dire, liquide, toujours en train d'allonger son cours, et comparable à une infinité de traits entremêlés, tels que sont perçues les notes d'une mélodie. Comment pouvoir désigner par un nom particulier cette fluidité composite pour qui il n'est pas, et il ne peut y avoir, de terme défini, et qui, d'autre part, ne saurait en aucune façon, en raison de son caractère concret et de l'absence absolue de généralité dont elle fait preuve, être considérée comme un simple schéma abstrait résumant une situation quelconque ? Bergson s'avoue incapable de lui donner un nom déterminé. Il sait qu'à proprement parler aucune appellation ne saurait lui convenir. Il l'appelle durée, voire durée pure, expression dont la signification reste sans doute encore trop large, puisqu'elle suggère certaine qualité d'endurance ou de résistance qui serait juste le contraire de ce dont il s'agit ici. Qu'est-ce donc alors, pour Bergson, que cette durée ? Ce n'est pas un être déterminé. Ce n'est pas non plus un composé d'êtres. Ce n'est ni un objet, ni un sujet, ni, encore moins, une absence d'être, bien qu'il soit possible de considérer cette « pure durée », ainsi que Bergson la dénomme, comme une réalité authentique, encore qu'indéfinie, perpétuellement en train de se dégager du néant, ou de se maintenir toujours au-delà de celui-ci par un mouvement analogue à celui d'une machine pendulaire ne cessant d'être en marche. Situation mobile, fuyante, précaire, évanescente, et pourtant persistante, réussissant à prolonger - ou à transmuer -, perpétuellement, l'état qui est le sien, grâce à un déplacement temporel qui l'empêcherait de se fixer, en lui permettant de se reproduire sans cesse différemment avec une souplesse merveilleuse, grâce à une série ininterrompue de modifications à peine perceptibles.





Situation donc essentiellement changeante, donc presque indéfinissable, indéterminable entre toutes, jamais, à rigoureusement parler, durable, mais à laquelle Bergson^ tout de même, dès le début, s'obstine à donner le nom, pourtant peu exact, de durée pure.

Inexact, puisqu'une « durée », après tout, c'est généralement, bien entendu, ce qu'on entend par l'état d'une chose qui dure. Or, dans la pensée bergsonienne, rien, à strictement parler, ne dure, c'est-à-dire rien ne se conserve identique à soi-même. Mais terme assez juste tout de même, bien que dans un sens quelque peu détourné, puisque, pour Bergson, durer, c'est littéralement être toujours en train de devenir autre. Il y a pour le philosophe toujours amoureux de flexibilité et de souplesse qu'était Bergson - et c'est même là le trait essentiel de sa doctrine - une sorte de glissement qui s'opère dans la qualité même de l'être, mais qui ne peut jamais s'accomplir autrement que par une altération incessante de sa substance. D'un côté la vie apparaît toujours comme absorbée tout entière dans sa tâche consistant à faire surgir sans relâche d'elle-même de nouvelles formes d'existence, mais, d'autre part, ne pouvant procéder à cette réinvention sans trace de ce qu'elle était, qu'en se libérant chaque fois de ce qui précédemment la déterminait ou semblait faire mine de le faire.

Impossible donc dans l'entrecroisement de deux mouvements confusément orientés en sens contraire l'un de l'autre, que la vie se présente jamais directement, simplement, sous l'aspect de déterminations solides et permanentes. A chaque instant il faut bien qu'elle se montre sous l'apparence, d'ailleurs peut-être illusoire, de quelque détermination antécédente cédant la place à quelque détermination subséquente. Mais ce transfert ou cette altération semble toujours avoir, chez Bergson, des conséquences plus graves que chez presque tous ses devanciers. Il s'opère sans repos, il se poursuit de façon ininterrompue. Il affecte non pas seulement certaines propriétés de l'être, mais l'être même dans sa substance. L'être ne cesse un seul instant de devenir autre, et devenir autre c'est acquérir toujours un nouvel être. Ainsi apparaît dans la mutation qui s'accomplit ici, non pas exactement, comme on pourrait un instant s'y méprendre, la substitution immédiate d'un être à un autre. Par aucun saut magique un être nouveau ne peut prendre sur-le-champ la place d'un être antérieur dépossédé. C'est par un glissement ininterrompu, au contraire, que se réalise ici la métamorphose de ce qui est. Pourtant elle s'avère aussi grave et aussi complète que si elle avait lieu à la faveur de quelque brusque solution de continuité. Or, d'une interruption de ce genre, il ne saurait être question ici. L'expérience sensible chez Bergson ne procède jamais par violentes ruptures. Même lorsque, dans un texte de lui, passé et présent se séparent et semblent courir dans des directions opposées, aucun hiatus ne se crée, aucune impression de brisure soudaine ne semble opérer ex abrupto une disjonction quelconque. Quelque chose qui était actuel discrètement se retire et passe de la positivité à la négativité. En même temps, comme sur une voie parallèle, quelque chose qui jusqu'alors n'existait pas encore, sinon négativement, surgit tout à coup au grand jour. Le positif devient négatif, le négatif s'actualise. Un acte indivisé relie sans fracas ce qui disparaît et ce qui apparaît. Si cette double transformation présentait des contours déterminés, on pourrait dans cet entrecroisement de mouvements contraires pressentir chaque fois le début d'un conflit dramatique. Mais c'est justement ce qui, chez Bergson, jamais n'arrive. Au lieu de procéder par oppositions tranchées, les choses, le plus souvent, procèdent chez lui par une heureuse mutation. Point de détails précis qui auraient pour effet immédiat de mutuellement s'exclure ou de se découper en tronçons successifs, mais une interpénétration réciproque si aisée et si souple qu'il devient impossible de distinguer les éléments qui y participent. Tous ensemble ils ne forment plus qu'une masse fluide; et même c'est encore trop dire que de prononcer à leur propos le mot de forme, car dans ce glissement continu et dans cette unification progressive des éléments qui se fondent, comment distinguer encore des formes, même les plus générales ? Rien ne se perçoit plus qu'une masse anonyme fluide, et son élan. A l'extrême, on se demande même si subsiste encore la notion de volume. Toute détermination se perd dans la continuité fluidique. Y a-t-il même encore assez de nuance dans la pensée pour qu'il y ait pensée. Reste une conscience maintenant presque sans image, donc latente, obscure, indistincte, indivisée; ou, comme dit Bergson, moins une conscience qu'une infraconscience : « jamais le vide pur, jamais non plus le réel arrêté. » Ainsi la pensée bergsonienne semble se poursuivre indéfiniment au-delà de ce qu'elle exprime : sorte de philosophie qui se prolonge étrangement en une trame ininterrompue d'où toute substance petit à petit se retire, mais sans jamais arriver ni au vide pur, ni à un terme final.



BERGSON : TEXTES



Bref, la pure durée pourrait bien n'être qu'une succession de changements qualitatifs, qui se fondent, qui se pénètrent sans contours précis, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns par rapport aux autres.



Supposez qu'à un moment donné je me désintéresse de la situation présente...

Brusque désintéressement de la vie...

L'intuition pure est celle d'une continuité indivisée.

Les moments de la durée interne ne sont pas extérieurs les uns aux autres.



Si l'âme n'adhérait plus à l'action par aucune de ses perceptions, elle excellerait dans tous les arts à la fois, ou plutôt elle les fondrait tous en un seul.

Je me désintéresse de tout.

Je me laisse aller dans le sens du rêve, j'avance dans le sens tout négatif du relâchement.



Un homme qui rêverait* son existence au lieu de la vivre tiendrait sans doute ainsi sous son regard, à tout moment, la multitude infinie des détails de son histoire passée..., mémoire toute contemplative...



Qu'est-ce que la durée au-dedans de nous ? une multiplicité qualitative..., une hétérogénéité au sein de laquelle il n'y a pas de qualités distinctes. Bref, les moments de la durée interne ne sont pas extérieurs les uns aux autres.



Si l'âme n'adhérait plus à l'action par aucune de ses perceptions, elle excellerait dans tous les arts à la fois, ou plutôt, elle les fondrait tous en un seul.

Que l'attention à la vie vienne à faiblir un instant, alors l'esprit se détend, et par là même se retourne en arrière... Brusque désintéressement de la vie...



Toutes tendances confondues dans l'élan originel de la vie, les moments de la durée formeraient une multiplicité de fusion ou de pénétration mutuelle. Se pénétrant, se fondant ensemble, sans contours précis, ils auraient une continuité indivisée - suffisamment dégagée de tout intérêt pratique, pour pouvoir embrasser dans un présent indivisé l'histoire entière de la personne consciente, mais en se désintéressant d'autre part de la situation présente, de l'action pressante.



A qui s'installerait ainsi dans le Devenir, les formes ne seraient plus que des vues prises sur la réalité changeante. Elles ne dureraient plus, elles tendraient à se comprendre...



Elles courraient aussi le risque de s'éparpiller, au lieu de participer au mouvement continu, à la continuité fluide de la conscience indivisée.



Il faut donc les empêcher de « prendre », de se fixer, de se déterminer.






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