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APOLLINAIRE






« Où va ce train qui meurt dans les vais et les beaux bois ?» - « Où donc es-tu, ô mon amour ?» - « Où sont-ils, Braque et Max Jacob ?» - « Où est tombée ma jeunesse ?» - « Et mes maîtresses, où s'en sont-elles allées ? » On pourrait ainsi relever en cent endroits différents dans l'ouvre et dans la correspondance d'Apollinaire, ce grand thème anxieux et passionné des ubi sunt qui fut repris par tant de saints et de poètes, depuis saint Augustin et Villon jusqu'à nos jours. H est, en effet, de toutes les formulations d'une demande l'expression la plus insistante et pourtant aussi la moins déterminée, celle qui est le plus près d'être purement négative, puisqu'elle fait état d'un désordre, d'une absence, d'une lacune, d'une faille se creusant, peut-être pour toujours, entre l'être désireux et l'objet se dérobant, de sa pensée. Interrogation, coupure, retrait de la présence, désir se heurtant à un vide plus insupportable que tout le reste, l'absence d'être. Que peut-on en conclure, sinon que, chez Apollinaire, plus peut-être que chez n'importe quel autre, se révèle à tout moment une humeur questionneuse, s'adressant tour à tour à mille objets sur lesquels se porte sa passion, sans qu'aucun ne se fixe jamais pour lui donner l'apaisement demandé ?





Ainsi chaque expérience aboutit à un échec et ne peut qu'être recommencée. C'est comme si le poète n'arrivait jamais qu'à reproduire, à propos d'une longue file de maîtresses ou d'amis devenus soudain inaccessibles, le même refrain, le même vieux thème, celui qui se reforme chaque fois pour déboucher chaque fois sur le vide et la privation essentielle.

Cette demande non contentée, cette imploration toujours réitérée, mais toujours aussi privée de réponse, n'est-ce pas celle déjà qu'adressait au grand correspondant divin tout saint quémandeur au début du christianisme ? Question toujours posée par le demandeur en son nom propre, mais aussi, semble-t-il, toujours un peu au nom de tous ceux qui expriment la même privation et le même vide. Demande, imploration, exigence qui, si pressante qu'elle soit chez lui, ne peut avoir pour conséquence immédiate, que de témoigner de son incapacité à exprimer pleinement ce qu'elle exige. Il faut qu'elle perde presque aussitôt de vue l'objet même qu'elle s'était donné de posséder.



Celui-ci s'avère donc de moins en moins déterminé. L'être qui se remet à implorer, ne sait plus finalement ni ce qu'il implore, ni à qui même son imploration s'adresse. Sa pensée ne vise plus telle personne précise. Elle est comme une lettre à qui manquerait l'essentiel, le nom de l'objet imploré, et même celui du destinataire. Lettre à Dieu, lettre à Braque ou à Max Jacob, lettre à des maîtresses qui sont hors de portée ou d'atteinte, lettres qui n'arrivent en fin de compte qu'à mettre en relief ce qui n'a pas d'existence, ce qui n'a rien que de négatif, les creux, les vides, les absences, les silences, les oublis. Où es-tu, disent ces lettres, et moi, où suis-je ? Pourquoi n'obtiens-je pas de réponse ? Je ne suis pas seulement frustré, je suis refoulé dans le vague ou perdant de vue ma cible. En dépit de tous les liens passionnés dont Guillaume Apollinaire s'efforce d'entourer ses aimées, il y a toujours en lui la conscience d'une dissatisfaction essentielle, le besoin de forcer à tout prix un refus indéfinissable, la suspension intolérable d'un acte, la substitution d'une image à une autre. D'où l'espèce de concentration ardente, presque furibonde, avec laquelle en changeant lui-même d'objet, il tourne l'obstacle. Ou bien, il y a l'inverse, la reconnaissance d'une distance : « J'ignore tout de toi », écrit-il à une maîtresse, juste au moment où elle devient pour lui lointaine. Ce qu'il lui faut, ce n'est pas l'objet désiré, c'est-à-dire la personne elle-même, c'est la chaleur de l'action qu'il brûle d'exercer sur elle. Bref, l'amour ne contribue nullement ici à l'unification de deux êtres, seulement au déploiement d'une énergie interne qui s'absorbe et s'épuise à l'intérieur de ses propres limites.



Mais qu'arrive-t-il alors si l'objet convoité garde ses distances, si l'assaillant se découvre tout à coup sans objet déterminé ? Il devient lui-même un être réduit à une espèce d'anonymat par l'impossibilité où il se trouve de s'imposer à ce qu'il vise. Dans l'ouvre d'Apollinaire, et plus encore, dans sa correspondance, il est aisé de relever tous les efforts multipliés par lui pour obtenir par la soumission d'autrui une prolongation indéfinie de son existence personnelle. Or, c'est ce qui lui est le plus souvent dénié. En forçant l'être convoité à se dépersonnaliser et à se priver ainsi de toute originalité propre, il court le risque de se dépersonnaliser aussi lui-même. -En vain il s'efforce de lui insuffler ou de maintenir en lui une identité distincte, quelque chose qui aurait pour effet d'établir entre eux une variation et une différence. D'où toutes les questions passionnées qu'il adresse à ceux ou à celles avec qui il cherche à poursuivre une espèce de dialogue passionné. Mais il ne peut s'empêcher de peser sur eux de tout son poids et de leur faire sentir sa force. Aussi les proies ainsi traitées courent-elles le risque à tout moment de ne plus pouvoir se comporter en êtres indépendants. Elles deviennent des ombres ou des victimes. Il faut qu'elles cèdent et se soumettent. Cela ne se fait pas sans dégâts. Toute la vie d'Apollinaire semble être faite de contacts brisés, d'étreintes rompues, de cassures dramatiques dans la continuité des rapports humains. Il y a bien les lettres passionnées, les poussées de la tendresse, toute une correspondance tourmentée qui, chaque fois, a pour objet de renouer les rapports rompus, et même de les porter au niveau d'une espèce de transe. Apollinaire cherche presque simultanément à donner deux formes contradictoires à ses passions, dont l'une l'oriente vers la détente, et l'autre vers l'oppression. D'un côté, on trouve les élans brusques, les poussées de tendresse, un profond désir de camaraderie amoureuse. De l'autre, par un phénomène de reflux, cela se métamorphose en son contraire, et alors ce qui éclate et ce qui tranche, c'est la distance, la violence, les querelles, les brouilles. Point d'ceuvre ou d'existence qui se montrent tour à tour plus souvent accrochées ou décrochées, où le poète se découvre, presque au petit bonheur, dans la confusion la plus totale : « J'ai perdu mes amours, où sont-elles allées ? », chante-t-il en témoignant de l'immense étourdissement où le jettent ces bousculades. Quand il écrit à celle qu'il aime : « Sais-je si tu m'aimes encore ? », on pourrait trouver ces réflexions de l'espèce la plus banale. Mais chez Apollinaire, sans cesser d'être banales, c'est-à-dire d'être semblables à beaucoup d'autres, les poussées de la passion se présentent d'une façon à la fois si subite, si violente et si contradictoire, qu'elles laissent apparaître dans leurs déchaînements successifs quelque chose de désespéré. On y perçoit plus les vides que les pleins. Dans l'agitation incessante que laisse transparaître son existence, le poète procède, dirait-on, par bonds successifs qui ont moins pour effet de faire saillir les réalités positives de sa vie ultérieure que les trous brusques qui s'y décèlent ou les perturbations qui y éclatent. D'où la similitude qui s'y montre entre les sentiments erotiques et les sentiments martiaux qui y apparaissent le plus souvent mêlés. On dirait qu'Apollinaire accepte volontiers la guerre sous toutes ses formes. L'affrontement et l'attaque sont chez lui des gestes aussi naturels dans un cas que dans l'autre, avec tout le cortège de conflits, de déchirures et de trouées qui s'y produisent. Pour la plupart des êtres la vie la plus acceptable, la plus authentique aussi, est celle qui se manifeste avec une certaine régularité et une certaine constance. Or toute régularité de ce genre implique la continuité des rapports humains. Mais chez Apollinaire, au contraire, l'événement principal est -peut-être toujours la brisure. Personne n'accueille ou ne provoque avec plus d'enthousiasme la discontinuité qui met fin à une humeur ou à une période de vie. Chaque moment terminal prend l'aspect d'un hiatus violent, et ce hiatus, reçu et vécu avec des sentiments divers, mais également exaltés, a l'immense avantage de mettre celui qui le subit en position de réagir sur-le-champ avec un maximum d'énergie. S'il se fige, c'est toujours en vue d'un nouveau départ.

-

On serait donc tenté de dire que la vie d'Apollinaire se présente sous l'aspect d'une série d'élans et de ruptures qui devraient aboutir finalement à une catastrophe. Ce n'est pas tout à fait le cas cependant. Son existence, en réalité, est une vie qui ne se ralentit, pour ainsi dire, jamais, qui bute tout le temps en cours de route, mais qui se redresse sans cesse. Au pessimisme dramatique qui, de moment en moment, l'affecte, répond constamment un mouvement inverse. On peut même aller plus loin, et soutenir que l'élan qui la propulse est toujours ravivé par la soudaine libération d'énergie qui se refait mille fois au cours de la chevauchée qui l'emporte. Chez lui, tout s'arrête d'un coup, et puis tout recommence; et cela ad infinitum. Si la détermination initiale qui, chaque fois, s'y révèle, est comparable à un éclatement ou à un coup de frein soudain, c'est afin que de cet arrêt rejaillisse une nouvelle impulsion violemment prospective. La courbe et le tracé sont ceux d'une ligne toujours interrompue et toujours prête à recommencer son trait après chaque vide. Elle est faite de déterminations qui se suivent, mais entre lesquelles il y a des intervalles. Elle procède donc par rebondissements.



APOLLINAIRE : TEXTES



Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

De la belle aube au triste soir

Les démons du hasard selon

Le chant du firmament nous mènent

A sens perdus leurs violons

Font danser notre race humaine

Sur la descente à reculons



Un jour je m'attendais moi-même

Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes

Pour que je sache enfin celui-là que je suis



Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même

Amenaient avec eux des morceaux de moi-même

On me bâtit peu à peu comme on élève une tour...

Où va donc ce train qui meurt

Dans les vais et les beaux bois ?

Où sont-ils Braque et Max Jacob O

ù est Cremnitz qui s'engagea

Peut-être sont-ils morts déjà ?

On ne sait quand on partira

Ni quand on reviendra

Les souvenirs sont cors de chasse

Dont meurt le bruit parmi le vent.





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