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André Breton






André Breton ? Comment parler de lui ? Comment se le représenter? Comment éclairer - définir - déterminer l'homme qu'il était ? Quand la question se pose aujourd'hui, c'est toujours comme au temps où il vivait, c'est-à-dire inopinément, gratuitement, à brûle-pourpoint en somme, sans que le jugement puisse s'appuyer sur quoi que ce soit, ni sur l'actualité de son personnage, ni sur un passé encore récent, ni sur une époque tant soit peu fixée aujourd'hui dans ses contours historiques. Bref, personne ne se trouve jamais en mesure de donner de cette existence une image simplement cohérente et explicable. Contemporainement aussi bien qu'historiquement, Breton se révèle être quelqu'un de proprement indéchiffrable. Il est impossible de lui reconnaître un développement régulier et normal. Il faut bien constater, au contraire, que sa personne, son histoire, la suite de ses pensées comme la suite de ses actions, tout cela mis en relation et formant un certain assemblage de manifestations mises bout à bout ne donne jamais l'impression de tenir ensemble, comme si le souci principal de celui qui en avait été le principe ou l'inspirateur avait été précisément, avant tout, d'empêcher cette cohérence de s'établir et qu'il eût ainsi agi tout exprès pour que son existence, si longue ou si courte qu'elle fût, si diverse ou si obstinément semblable à elle-même qu'elle parût, ne pût jamais être perçue (par lui comme par un autrE) dans la moindre continuité. Non qu'il y eût chez lui tout bonnement tendance à accepter la vie pour ce qu'elle est dans la variété de ses aspects. Personne, au contraire, n'a jamais été moins enclin à considérer la vie comme une série d'événements disparates destinés finalement à se trouver banalement rangés dans la même armoire. André Breton, en effet, semble toujours faire en sorte que cette vie, avec tout le cortège d'entreprises ou de sentiments qu'elle comporte, ne puisse jamais être prise en compte solidairement. Est-ce dire qu'on pût aussi relever chez lui, à l'instar de ce qu'on relève chez bien d'autres, cette tendance nonchalante, si fréquente qui consiste, comme on dit, à « prendre la vie comme elle vient » ? Pas de figure, au contraire, moins insouciante que celle de Breton; pas d'être moins disposé à accepter les choses comme elles sont ou comme d'elles-mêmes elles deviennent. Mais pas de> figure, non plus, aussi prompte à se détacher de quelque état qui aurait tendu à la fixer sur place. Qui enfin eût répugné autant que lui, même au temps où il dirigeait le groupe surréaliste, à adopter une attitude déterminée, à supposer que celle-ci eût pu être reconnue et acceptée en tant qu'attitude surréaliste ? Personne, en effet, en son temps, dans son groupe, ou hors de son groupe, qui ait donné plus intensément l'impression d'agir ou de cesser d'agir, d'être ou de cesser d'être, et cela toujours avec la même liberté d'esprit, la même absence de scrupule ou de restriction, et toujours coûte que coûte, en se livrant à fond ? On peut donc se demander à juste titre qui était ou n'était pas André Breton; on peut se demander aussi qui n'était-il pas apte à soudain être ou ne plus être. Et s'il était en un moment précis quelqu'un de défini - ou l'inverse - en quoi l'examen de cet état pourrait-il nous avancer d'un pas dans la connaissance de celui qui avait en n'importe quel moment mille façons imprévisibles d'être ou de ne pas être?





Toute question relative à l'identité d'André Breton ne prend donc un sens quelconque que si on la relie à la personnalité - ou absence de personnalité - qui pouvait dans le moment être la sienne. Il est ce qu'il est dans le moment où il se reconnaît comme cessant d'être ce qu'il n'est plus. Ou encore dans le moment où il laisse brusquement suspendue la question de savoir ce qu'il déciderait de devenir. Bref, presque à chaque moment de son existence, Breton se sent obligé de se redéfinir de fond en comble. Aussi ne peut-il jamais espérer avoir autre chose qu'une connaissance essentiellement fluctuante et inter-rogative, c'est-à-dire une connaissance limitée par l'impossibilité où il se trouve dans l'état de permutation perpétuelle qui est le sien, de donner à cette pensée une forme stable. Non qu'il soit incapable d'affirmer, et surtout de s'affirmer et de tenter de s'assurer qui il est. Qui suis-je, se dit-il ? Il se le dit sans fin. Il ne semble même pas dire autre chose. Mais à cette question qu'il se pose et se re-pose sans cesse, il ne se trouve jamais dépourvu de réponse. On peut même dire qu'il ne cesse jamais de transformer ses interrogations en affirmations. Qui suis-je?, se demande-t-il, et, chaque fois, il obtient ou invente une réponse. Miracle ! celle-ci est toujours intensément personnelle. Malheureusement, elle n'est jamais définitive. Il faut qu'il la renouvelle sans cesse ; et même maintenant qu'il est mort depuis longtemps, il semble qu'il persiste obstinément à se la poser, dans ses écrits, dans les souvenirs de ses contemporains, dans tout ce qu'on se rappelle encore aujourd'hui de lui et de l'insistance avec laquelle il recommençait à se la formuler.



En cela, la vie de Breton ne diffère pas de celle d'autres hommes qui ont passé leur temps, comme saint Augustin déjà nommé, comme saint Jean de la Croix, comme Novalis, voire Hugo, à tâcher d'obtenir des informations sur le fond de leur sentiment. Quoi qu'ils fissent, ils n'arrivaient jamais, non plus que Breton lui-même, à acquérir autre chose que quelques lueurs disparates sur leur être vrai. Qui suis-je?, se demandait, sans se lasser, saint Augustin. Suis-je un fantôme, un être anarchique, un rêveur définitif, une sorte de Dieu intermittent?, se demandera Breton dans un autre siècle. Cela veut-il dire : « Je suis, oui, mais ne suis-je pas un autre que celui que je crois être ? » L'altérité est, en effet, une sorte de substitution de soi, donc une espèce de dépersonnalisation, donc d'indétermination, qui, chez Breton, à presque tout moment, remplace la foi en soi par un doute, puis par une négation, puis par une espèce d'escamotage de son être. A la première page de Nadja, Breton se compare lui-même à un fantôme. Il en conclut qu'il lui a fallu commencer par cesser d'être. Qui suis-je ?, se demande-t-il, lui aussi. Il se le dit sans fin, exactement comme saint Augustin. Il ne semble même pas pouvoir dire autre chose. Mais à cette question, il ne se trouve pas toujours entièrement dépourvu de réponse. On peut même dire qu'il ne cesse de transformer ces questions en assurances qu'il se donne sur l'authenticité de son moi. Malheureusement ces réponses affirmatives ne valent jamais à ses yeux que pour celui qu'il est dans le moment où il est. Dans le moment d'après il se sent un autre - « En me perdant de vue, écrit-il, je commence à me découvrir. » Mais, pour lui, se perdre de vue et se redécouvrir, c'est, comme il le dit toujours, se découvrir autre, c'est se redécouvrir chaque fois, au-delà de la perte totale de soi que l'on fait, non tel qu'on était, mais tel que l'on se découvre quand on se voit magiquement transfiguré en quelqu'un d'autre. Pour être exact, il aurait pu ajouter : « Je commence à me découvrir, mais c'est en me découvrant toujours autre. » - Cela veut dire encore : « Je me substitue à moi-même. » Il ne s'agit jamais du même soi-même.

Cette substitution curieuse de soi à soi, à un autre soi, c'est là, en somme, une des grandes découvertes du surréalisme. Découverte incessante, capricieuse, déconcertante et fantastique. Elle implique, chaque fois qu'elle a lieu, quelque chose comme la mort instantanée de l'être qu'on était et son remplacement par celui que l'on se sent tout à coup devenir. Breton s'arroge ainsi le droit de se faire remplacer par une série d'autres lui-même. Dans sa vie il y a une longue file d'André Breton aussi différents que possible les uns des autres.



Certains de ces monstres mentaux qu'il se sent devenir ne sont pas réellement monstrueux. Lorsque Breton se pose la question : Qui suis-je ?, cette question pourrait se formuler dans des termes relativement anodins : Suis-je moi ? Suis-je le seul ? Suis-je unique ? Quel moi remplacé-je ? Suis-je un fantôme ? Mais des rapprochements déconcertants ou des scissions de soi, de l'espèce la plus troublante peuvent unir ou diviser ces différentes apparitions (ou éclipseS) de soi-même. « Si je me perds de vue, écrit Breton encore, je me livre tout entier au hasard. » Mais en me perdant de vue, pourrait-il dire encore, je puis aussi plus commodément gagner une autre vie. Je m'enchante et me désenchante. Comme ma sour Nadja, je puis passer par une série de morts et de vies successives. Leurs nombres et leurs conflits, leurs disparitions et réapparitions m'interdisent de lier ces différentes époques de ma vie. Tout y apparaît finalement comme imprévisible. Des rapports inédits y déterminent sans cesse ce qui s'y trouvait toujours virtuellement d'indéterminé.

Mais tout cela est-il suffisant ? Est-il vraiment suffisant de se livrer à toutes les contradictions qu'engendrent les déchaînements de la pensée libérée de toute détermination fermement fixée ? Ou ne s'agit-il pas, au contraire, de dépasser les contradictions et les limitations par le simple exercice de la pensée libre ? Ne peut-on pas user de ce pouvoir singulier qui incite celui qui s'y livre à passer du positif au négatif, du réel à l'imaginaire, et de l'indéterminé à quelque détermination nouvelle que ce soit ? L'important serait de dépasser le stade de l'indéterminé pur. Par-delà apparaîtrait la vraie surréalité. Elle ne serait plus faite d'un simple grouillement de tendances contradictoires, avides de s'annuler les unes les autres. Tout étant réduit à rien, au vide, à l'indéterminé pur, il en jaillirait os que Breton appelle une sur-détermination. « Il y avait alors, dit-il - mais que veut-il dire ? - un éveil au surréel. » A la place de toutes les déterminations et indéterminations dépassées, il n'y aurait plus alors qu'une seule expérience possible, un étonnement radical, comparable à celui des enfants : un étonnement qui irait jusqu'à un sentiment de pur égarement, où l'on ne reconnaîtrait plus rien qui féeriquement ne s'éparpille.

C'est peut-être à ce point de l'esprit que Breton pensait lorsqu'il écrivait la fameuse phrase qu'on trouve dans le second manifeste du surréalisme : « Tout porte à croire qu'il existe un point d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contra-dictoirement. Or c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. »



BRETON : TEXTES ET COMMENTAIRES



Sous le signe du spontané, de l'indéterminé et de l'imprévisible.

Qui suis-je?

Qui hanté-je ?

Qui fréquenté-je ?

Qui vive ? Est-ce moi seul ? Est-ce moi-même ?

Cessant d'être pour être qui je suis.



Suis-je un fantôme ?

Suis-je obsédé ?

Coïncidences, rapprochements soudains, rapports troublants.

Hésitation, instabilité, féerie intérieure, occultation.

Rechercher le point de coïncidence des contraires.

Pouvoir de se re-créer sans cesse.

Déterminer le non-déterminé, annuler les contradictions.

Se défier des déterminations.

Définir le hasard.



Surréalité. Surdétermination.

Destruction du sous-réel et éveil du sur-réel.

Il serait vain de s'élever... contre l'affirmation d'une détermination poétique dont les lois ne sont pas impro-mulgables.






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