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Alfred de Vigny - Servitude et grandeur de la poésie






Les désillusions et les désenchantements qui poursuivirent Musset sur la fin de sa vie furent le lot permanent de l'existence de son contemporain Alfred de Vigny. Nul plus que lui n'a vécu les échecs, les rancours, les trahisons. Il est le romantique du doute, de l'abandon et de la déception. Déçu dans ses origines nobles, déçu dans sa carrière militaire qui ne mène à rien, déçu dans son mariage comme dans ses liaisons amoureuses, déçu dès 1830 dans ses aspirations sociales et politiques, déçu enfin et surtout par la poésie elle-même dont il a trop souvent le sentiment qu'elle le condamne à n'être qu'un paria. Et pourtant la force et la grandeur de Vigny sont dans un permanent dépassement de ces doutes et de ces écourements. Sa déception d'homme est inséparable de sa confiance de philosophe, et l'image qu'il nous donne du poète est une synthèse réussie de cet apparent paradoxe.





Comme Musset, c'est dans l'entourage de Victor Hugo, dans l'équipe du Conservateur littéraire puis au Cénacle, qu'il fait ses premières armes poétiques dès 1820, alors même qu'il est encore militaire et qu'il espère trouver par la plume la gloire que lui refuse l'épée. Pendant cinq ans il publie séparément plusieurs poèmes qu'il rassemble pour la première fois en 1826 en un recueil cohérent intitulé Les Poèmes antiques et modernes. Complété et restructuré, le recueil sera republié dans son édition définitive en 1837. C'est avant tout un livre d'apprentissage où le jeune poète apparaît encore tout pétri des grands modèles qu'il admire : Byron, Chénier ou Chateaubriand. Mais la forme comme épars en un grand recueil d'inspiration philosophique. Il aura seulement le temps d'en parfaire la rédaction avant sa mort en 1863. C'est à son ami Louis Ratisbonne que nous devons la publication en 1864 d'un recueil posthume intitulé, du nom d'un de ses poèmes, Les Destinées. Onze textes, tous fondamentaux, y sont rassemblés. Onze textes écrits de 1834 à la veille de la mort de Vigny. L'ensemble constitue un testament poétique, philosophique et spirituel, dont l'architecture quoique discutée révèle clairement le sens. C'est là que se dégage toute la complexité d'une pensée longtemps mûrie dans les loisirs forcés de la sobtude.

En guise de prologue le livre nous offre une sorte d'arche double sur laquelle l'édifice tout entier s'appuiera et- prendra sa force et son sens : Les Destinées et La Maison du berger. Le premier de ces deux textes pose toute la problématique : celle du destin et de la liberté de l'humanité face à la divinité. Pour Vigny, aux temps anciens, l'homme n'était rien face à la Fatabté qui le condamnait à une servitude totale :



Depuis le premier jour de la création,

Les pieds lourds et puissants de chaque

Destinée Pesaient sur chaque tête et sur toute action (...)

Tout homme était courbé, le front pâle et flétri.





Malgré le chri stianisme l'homme n'est touj ours rien. Pis encore : il est pris au piège d'une illusoire liberté :



Oh ! dans quel désespoir nous sommes encor tous !

Vous avez élargi le collier qui nous lie.

Mais qui donc tient la Chaîne ? -

Ah ! Dieu juste, est-ce

[vous ?



Au tragique questionnement métaphysique et théologique, c'est une double solution que propose déjà La Maison du berger, grand texte composé de 1840 à 1844. Que l'homme sache se retirer pour se retrouver, écrit Vigny ; que la nature soit un refuge de méditation pour son corps et son âme blessés :



Si ton cour, gémissant du poids de notre vie, (...)

Si ton âme enchaînée, ainsi que l'est mon âme, (...)

Si ton corps, frémissant des passions secrètes, (...)

Pars courageusement, laisse toutes les villes (...)

La Nature t'attend dans un silence austère.



Mais la prise de distance d'avec le monde ne signifie pas plus chez Vigny que chez Lamartine égoïsme. Bien au contraire c'est dans le recueillement « naturel » que l'homme retrouve le monde, le comprend et s'apprête à l'aimer. C'est la femme, muse et compagne, être de douceur, d'intuition et d'inspiration, qui lui fera redécouvrir la fraternité humaine et un certain respect de Dieu :



Mais si Dieu près de lui t'a voulu mettre, 6 femme !

Compagne délicate ! Eva ! sais-tu pourquoi ?

C'est pour qu'il se regarde au miroir d'une autre âme.

Qu'il entende ce chant qui ne vient que de toi. (...)

Eva, j'aimerai tout dans les choses créées,

Je les contemplerai dans ton regard rêveur.



Le centre du recueil explique tous les maux que l'individu doit vivre et surmonter pour atteindre à l'espérance et à la réconciliation. Le mal humain et social d'abord : celui des corruptions de la civilisation (La Sauvage.) ; celui des vices et des trahisons de la passion (La Colère de SamsoN) ; celui des implacables mépris et rejets de la société (La Mort du louP). Mais le mal mystique et philosophique est plus profond encore ; c'est celui du Christ au Mont des Oliviers. Dieu fait homme, il ressent lui-même intérieurement dans sa chair humaine le désarroi de l'homme sans Dieu, lui le Fils à qui le Père ne répond plus :



Il se courbe à genoux, le front contre la terre ;

Puis regarde le ciel en appelant : « Mon père !

- Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas. lui le Frère que les frères n'écoutent plus :



Il recule, il descend, il crie avec effroi :

« Ne pouviez-vous prier et veiller avec moi ? »

Mais un sommeil de mort accable les apôtres.

Et pourtant la fin des Destinées est un cri d'espoir. Vigny sort vainqueur de ses inquiétudes. Son optimisme humaniste balaie les doutes et les incertitudes. Dans La Bouteille à la mer il confie au pouvoir de la Connaissance et de la Science le futur bonheur des hommes :



(...) la science C'est l'élixir divin que boivent les esprits,

Trésor de la pensée et de l'expérience. (...)

Sur nos fronts où le germe est jeté par le sort.

Répandons le Savoir en fécondes ondées.



L'Esprit pur enfin est un hymne enthousiaste,, à la manière des philosophes du xvme siècle, à la force créatrice de la pensée, contre laquelle finalement les contingences de l'existence ne peuvent rien, et dont le Poète, guide illuminé des races, est le premier dépositaire :



Ton règne est arrivé, PUR ESPRIT, roi du monde. (...)

Seul et dernier anneau de deux chaînes brisées,

Je reste. Et je soutiens encor dans les hauteurs.

Parmi les maîtres purs de nos savants musées.

L'idéal du poète et des graves penseurs.



Le lecteur de tous ces textes de Vigny est sans doute frappé par le contraste constant entre l'intensité thématique et la rigueur formelle de son écriture. En cela il incarne peut-être ce que l'on pourrait appeler la « maturité » romantique. L'expérience chez lui n'est pas moins riche que chez Lamartine ou Musset ; mais son art est moins un art de la facilité que de la maîtrise. Vigny est le premier à refuser cet épanchement immédiat de la sensibilité dans la fluidité du langage poétique. Pour lui la sensibilité n'a de sens que « réfléchie » et contenue. Le moyen technique qu'il se donne pour cette maîtrise est celui de la transposition symbolique. Cet instrument, qu'il a utilisé dans son écriture romanesque et théâtrale, il l'a poli dans sa poésie et en a fait dans Les Destinées un usage quasi systéma- * tique. Il s'agit de se peindre « pudiquement » à travers un récit fictif ou historique, mais toujours symbobque, et ce dans une atmosphère évocatrice. Le poème devient ainsi construction structurée et mise en scène cohérente du thème : « Je pars toujours, écrit Vigny, du fond de l'Idée. Autour de ce centre, je fais tourner une fable qui est la preuve de la pensée, et doit s'y rattacher par tous ses rayons. » Certes la rigueur s'achève paifois chez Vigny en rugosité, et la force de certains vers, pareils à des maximes bien frappées, ne fait pas toujours oublier les lourdeurs techniques de certains textes trop prosaïques et trop lourds. Mais l'intention de Vigny est primordiale : elle anticipe déjà sur les formes futures d'une nouvelle poétique où le langage ne sera plus pensé comme le lieu d'une effusion, mais comme le creuset magique d'une « cristallisation ». C'est peut-être ce rôle nouveau du langage et de l'écriture que l'auteur de La Maison du berger laissait deviner à travers les métaphores de la « perle » et du « diamant » qui seront l'emblème de tout un courant de notre poésie moderne :



Poésie ! 6 trésor, perle de la pensée. (...)

Comment se garderaient les profondes pensées

Sans rassembler leurs feux dans ton diamant pur.

Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées.








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