Edouard Glissant |
Au clocher vers midi L'horloge devient blanche Et pèse comme un ouf Au centre de la paille. * Il faudra bien la voir encore, la tourterelle, Avec son air toujours d'exiger sur l'autel Le corps de l'innocent. * Étalé maintenant sur le sable Et montrant Son ventre comme un chien, Le crabe sans odeur N'aura jamais fini. * Les pigeons bleus et blancs Dans les jardins d'enfants, Mais on était prêt. A tout instant, A leur faire place auprès de soi Sur la chaise ou le banc, Et même, Ceux qui étaient beaux particulièrement A les prendre sur soi pendant plus longtemps Et à les regarder vivants. + Le chat dans la pénombre A la tombée du jour Abandonnait sa faim, Rentrait dans son mensonge Et devenait immense. L'assiette est blanche Et presque on pourrait la toucher. Vois ta main qui s'avance Et tremble sur les bords Comme un oiseau de proie Qui n'en croirait ses yeux. La table, la chaise ou un autre bois, L'heure est donc venue De les regarder Si fort que l'on peut, Ne sachant que trop Qui, encore une fois, se fatiguera. Mais il faut quand même Essayer. Sur un bol, sur un mur La lumière est posée. Sur le bol, sur le mur Du soleil est venu Combler qui les regarde Et désirait les voir. Mais il les voit mener D'autres combats encore Que les tournois dans l'ombre Au jeu de la mort douce. * Nous n'avions pas accoutumé De penser que la pluie Pouvait tomber pour nous Par haine ou par amour, Pour nous fraîchir la terre Et pour laver nos corps Ou s'opposer aux longues Par les chemins de terre e Nous avions accepté pour toujours qu'elle arrive Nous replonger de temps en temps Dans son royaume sans terreur. * Si l'orage avait gardé Plus longtemps son pouvoir, Le bois serait traversé Des rumeurs que nous portons. Mais le bois dort sur un secret Et par ses multiples couches Saura bien peu de nos deux corps. * Va dans la fleur et viens nous dire Si c'est meilleur. Si c'est travail que la montée Ou débarras. Dis-nous surtout comment on fait, Venant du noir et des lenteurs, Pour supporter d'être couleur Aux papillons et pour personne. Si l'on n'a pas envie souvent Du labyrinthe avec les pierres Et si c'est vrai qu'on y a peur, Surtout le jour, De la durée. * Même les mots de pluie, De boue et de dimanche, On faisait de son mieux Pour qu'ils soient des amis, Les jours au moins de boue, De pluie et les dimanches. * De son poids de mélancolie Le feu formait les régions bleus, On aurait dit. Et de la part ancienne et plus charnue du boia, Les rouges qui croyaient guérir et s'échapper. Quant aux endroits plus jaunes Et surtout les coins blancs, C'était de nous Qui regardions, Nos mains futures ou nos désirs Qui les rejoignent. * L'espoir caché De pouvoir dire Aujourd'hui, mes amis, la chaise, Aujourd'hui la chaise A frémi. Alors commence Un autre jour. L'ordre des papillons Se penche sur les fleurs Et s'alourdit le ventre A toucher leurs dédales, Comme un soleil descend Grossi par les averses Et coule à l'horizon. * Si l'ombre peut jouer les voix de la présence A cet homme il est vrai séparé par les murs, C'est pour approfondir des raisons de victoire Qu'il détourne son corps de l'ombre cajolante Et regarde un carreau Tout blanc, dans la cuisine, Qui ne peut, lui non plus, Se contenter de peu. * Ceux qui n'ont pour moyens de pouvoir que leur cri T'ont crié, maison vieille : C'est pour toi, Fais-en plus. Ouvre la terre, vieille maison, Ouvre la terre pour dire Si tu aimes, Si au moins tu aimes. On ne peut pas nier : la lune suppliait Qu'on la fracasse à coups de triques Ou qu'on la fonde avec l'eau sourde A la fontaine. Pour nous ce n'était pas l'excès de la douceur, Ni les relents de la traîtrise. Nous, nos loisirs étaient trop rares, Payés trop chers. |
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Edouard Glissant (1928 - 2011) |
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Portrait de Edouard Glissant | |||||||||
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Biographie / OuvresMort le 3 février 2011 à l'âge de 82 ans, Edouard Glissant était bien plus qu'un grand écrivain, auteur notamment de La Lézarde (Prix Renaudot 1958), Le Sel noir, L'Intention politique, La Case du commandeur, Pays rêvé, pays réel, Tout-monde. Il était surtout l'inventeur et théoricien, à la pensée parfois assez complexe, d'au autre monde qu'il appelait le Tout-monde, nourri des écrits et des lutte |
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