wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 
left_old_somall

Denis Diderot

right_old_somall

NAISSANCE D'UN PHILOSOPHE


Poésie / Poémes d'Denis Diderot





Tandis que Diderot s'efforçait de trouver pour lui-même une philosophie satisfaisante de la vie, son esprit se heurtait aux entraves de la religion révélée. Plus que ses écrits postérieurs, ses premiers ouvrages s'attachent à l'examen des vérités de la religion : ils manifestent dans ce sens une ligne très cohérente. Partant du credo théiste en un Dieu providentiel que l'on découvre dans les notes de sa traduction de Shaf-tesbury, Diderot parvient dans les Pensées philosophiques à un déisme relativement militant ; il termine son petit traité en laissant entendre que la religion naturelle, telle que la révèle la raison, est la meilleure. De là, nous le verrons, il poursuit sa démarche et atteint une position d'athéisme déclaré.





Qui n'est pas familiarisé avec un esprit tel que celui de Diderot pourrait supposer que son scepticisme et, plus tard, son athéisme proviennent d'un simple désir de choquer, d'irriter ou d'amuser. En réalité, ce n'est pas pour scandaliser qu'il suivit ce processus d'émancipation, mais pour satisfaire une sorte d'exigence intellectuelle. Du début à la fin, Diderot s'est efforcé de comprendre l'univers dans lequel il vivait et, ce faisant, il semble constamment poussé à suivre un principe que l'on peut appeler le principe de l'économie optimale. Il a toujours répugné à se livrer à des assomptions métaphysiques plus développées qu'il n'était nécessaire pour fournir une explication rationnelle du monde. S'il renonça aux principes de la religion chrétienne, c'est qu'il ne les jugeait ni indispensables ni essentiels. « S'il y avait quelque raison de préférer la religion chrétienne à la religion naturelle, c'est que celle-là nous offrirait, sur la nature de Dieu et de l'homme, des lumières qui nous manqueraient dans celle-ci. Or, il n'en est rien ; car le christianisme, au lieu d'éclaircir, donne lieu à une multitude infinie de ténèbres et de difiicultés '. » Aussi passe-t-il, par des phases de théisme et de déisme, du christianisme orthodoxe à un matérialisme fondamental, physiologique, psychologique et neurologique qui ne laisse pas de place à Dieu parce que, selon lui, l'existence de Dieu n'est pas nécessaire pour expliquer l'univers.



Dans les Pensées philosophiques, Diderot se définit encore comme un catholique romain (pensée LVIII). Dans la dernière pensée, on le voit cependant développer l'idée déiste que la « religion naturelle » est la meilleure. Ce thème est amplifié dans un petit ouvrage, De la Suffisance de la religion naturelle, qui ne devait être publié qu'en 1770 !. Assézat et Tourneux, éditeurs des ouvres de Diderot, avancent que ce court essai a été écrit en 1747, après La Promenade du sceptique, mais n'apportent aucune preuve pour soutenir cette assertion. Par ailleurs, le titre ec l'argumentation de De la Suffisance de la religion naturelle ont un rapport organique tellement étroit avec les Pensées philosophiques qu'il semble vraisemblable qu'il ait été écrit en 1746, ou début de 1747, précédant La Promenade du sceptique qui, à plusieurs égards, est le plus avancé des deux.



Il est intéressant de se demander pourquoi Diderot n'a pas tenté de publier cette brève série d'apophtegmes sur la religion naturelle. Peut-être pensait-il qu'ils ne représentaient qu'un moment dialectique dans le développement de sa pensée. Diderot y parle souvent de la loi naturelle « gravée dans le cour de tous les hommes » à la façon dont saint Paul en parle dans son Epître aux Romains ; il déclare la meilleure la religion qui s'accorde le mieux à la bonté et à la justice de Dieu ; il termine en énonçant : « La vérité de la religion naturelle est à la vérité des autres religions comme le témoignage que je me rends à moi-même, est au témoignage que je reçois d'autrui ; ce que je sens, à ce qu'on me dit ; ce que je trouve écrit en moi-même du doigt de Dieu, et ce que les hommes vains, superstitieux et menteurs ont gravé sur la feuille ou sur le marbre '. » Ce type de raisonnement était répandu chez les déistes anglais, nullement inconnus des libres penseurs français du xvii' siècle, et devint tout à fait courant au XVIII siècle. Nous y observons la « Raison » élaborant une sorte d'édifice intellectuel sans l'aide d'aucune référence au monde des phénomènes extérieurs. Ce type de raisonnement si caractéristique de l'un des aspects de l'âge de la Raison, n'était pourtant nullement caractéristique de Diderot ; ce n'est pas en pliant et en repliant la Raison sur elle-même qu'il cherchait à comprendre la réalité, mais en rapportant son esprit et son entendement aux phénomènes physiques, biologiques et psychologiques du monde extérieur. Les onze pages de De la Suffisance de la religion naturelle, pour intéressantes qu'elles soient, ne constituent guère un ouvrage significatif et c'est peut-être pour cette raison que Diderot ne chercha pas à les publier. Quoi qu'il en soit, un livre plus dangereux allait bientôt venir.

En 1747, Diderot vivait avec Anne-Toinette et leur petit garçon dans un logement de la rue Mouffetard, trop heureux que la police ignorât qui il était et que sa famille à Langres ignorât où il se cachait. C'était à n'en pas douter excitant que d'être l'auteur d'un livre qui avait été brûlé par l'exécuteur public, mais c'était aussi dangereux. Un homme moins intrépide aurait jugé prudent d'attendre quelque peu avant de confier au papier des doctrines encore plus subversives. Mais Diderot éprouvait cette démangeaison d'écrire qui est une bénédiction, mais parfois aussi une malédiction, pour un homme de lettres fécond ; et bientôt un épigone incendiaire des Pensées philosophiques et de De la Suffisance de la religion naturelle commença à couler de sa plume. C'était une allégorie, très vraisemblablement écrite en 1747, qu'il intitula La Promenade du sceptique, et qui portait un sous-titre l'annonçant comme « une conversation sur la religion, la philosophie et le monde ' ».

Dans un « Discours préliminaire », Diderot montre qu'il est conscient des risques encourus par un auteur qui ne se contente pas de banalités. Ariste, l'auteur supposé, examine tous les désagréments qu'il y a à essayer de publier un écrit aussi sujet à controverse. L'un de ses interlocuteurs imaginaires soutient qu'il est préférable d'être un auteur mauvais mais qu'on laisse en paix qu'un bon auteur persécuté. Ariste, qui ressemble à Diderot comme un frère, répugne à faire un tel choix. Il existait une solution au dilemme, mais elle était drastique car elle impliquait l'exil volontaire et de s'en remettre aux mains redoutables de Frédéric le Grand : « adresser (...) à ce prince philosophe (...) que vous entendîtes dernièrement gourmander Machiavel avec tant d'éloquence et de bon sens. Passez dans ses Etats avec votre ouvrage, et laissez crier les bigots 6 ».

Ce conseil, donné à un auteur qui est une sorte d'image de lui-même, peut dénoter un certain malaise de Diderot quant à sa tranquillité personnelle. Les registres de police montrent qu'il aurait été entièrement fondé dans ses appréhensions. Le 20 juin 1747, un homme appelé Perrault écrivit à Berryer, le lieutenant général de la police, pour dénoncer « ce misérable Didrot », comme « un homme très dangereux et qui parle des saints mystères de notre religion avec mépris 7 ». Deux jours plus tard, parviennent des renseignements plus détaillés, émanant cette fois du curé de la paroisse où habitait Diderot, qui déclarait avoir déjà écrit au prédécesseur de Berryer pour se plaindre de Diderot. « Le sieur Diderot est un jeune homme qui a passé sa première jeunesse dans le libertinage. Il s'est enfin attaché à une fille sans bien, mais de condition, ce semble, égale à la sienne, et il l'a épousée à l'insu de son père. Pour mieux cacher son prétendu mariage, il a pris un logement dans ma paroisse, chez le sieur Guillotte (Guillotte et sa femme étaient parrain et marraine du deuxième enfant de Diderot8)... sa femme ne s'y appelle que par son nom de fille. (...) Les propos que Diderot tient quelquefois dans la maison montrent assez qu'il est déiste pour le moins. Il débite contre Jésus-Christ et contre la Sainte Vierge des blasphèmes que je n'ose mettre par écrit. (...) Il est vrai que je n'ai jamais parlé à ce jeune homme, que je ne le connais pas personnellement, mais on m'a dit qu'il fait paraître beaucoup d'esprit, que sa conversation est des plus amusantes. Dans un de ses entretiens, il s'est avoué l'auteur d'un des deux ouvrages qui fut condamné par le Parlement et brûlé il y a environ deux ans. On m'a assuré qu'il travaillait depuis plus d'un an à un autre ouvrage encore plus dangereux contre la religion '. »



L'ouvrage « encore plus dangereux » qu'est La Promenade du sceptique décrit trois allées séparées et ce qui se passe sur chacune d'elles : l'« allée des épines », l'« allée des marronniers », et l'« allée des fleurs », références au christianisme orthodoxe, à la philosophie et aux plaisirs plus charnels de la vie. L'allégorie du christianisme, particulièrement saisissante et féroce, critique sous une forme à peine voilée l'histoire biblique et les institutions chrétiennes. Les habitants de cette allée des épines sont peints comme des soldats portant un bandeau sur les yeux - symbole de la foi - et une robe blanche - symbole de l'innocence. Ils tâtonnent le long du sentier de la vie avec angoisse. « Les devoirs du soldat se réduisent à bien tenir son bandeau et à conserver sa robe sans tache ".»



« L'allée des marronniers forme un séjour tranquille, et ressemble assez à l'ancienne Académie. » Ici, le double de Diderot entend les représentants des principales écoles philosophiques - les pyrrhoniens, les sceptiques, les spinozistes, les idéalistes berkeleyens, les solipsistes, les athées et les déistes - s'engager dans une discussion que les critiques considèrent être la partie la plus solide de l'allégorie de Diderot. Assez fréquemment, l'allée des marronniers est envahie par la soldatesque brutale de l'allée des épines : « Sous nos marronniers, on écoute tranquillement les chefs de l'allée des épines ; on attend leurs coups, on y riposte, on les atterre, on les confond, on les éclaire, si l'on peut ; ou du moins on plaint leur aveuglement. La douceur et la paix règlent nos procédés ; les leurs sont dictés par la fureur. Nous employons des raisons ; ils accumulent des fagots. Ils ne prêchent que l'amour et ne respirent que le sang. Leurs discours sont humains ; mais leur cour est cruel ". »



La description de l'allée des marronniers révèle incidemment que c'est un lieu d'hommes sans femmes. Il n'en faut pas davantage pour expliquer pourquoi le double de Diderot passe un certain temps dans l'allée des fleurs. Dans la dernière partie, plutôt conventionnelle, de l'allégorie, le noud du raisonnement est que tout ne va pas parfaitement dans l'allée fleurie. La preuve en repose sur trois petites histoires, quasi écrites sous forme de dialogue ; un homme qui jure un éternel amour à sa maîtresse puis l'oublie ; un homme qui vole sa maîtresse à un ami ; un troisième qui obtient par intrigue un emploi dont il a entendu parler par un ami qui avait espéré l'obtenir pour lui-même. Il est évident que Diderot conseille à qui en a la résolution de demeurer à l'ombre des marronniers.



Les dons de Diderot ne le destinaient pas à l'allégorie, forme littéraire qu'il décrivit comme « ressource ordinaire des esprits stériles l2 ». Il se peut qu'en s'y exerçant il ait suivi l'exemple de Swift, dans le Conte du Tonneau, d'autant que nous savons que certaines de ses ouvres lui étaient familières ". Il est intéressant et significatif que Diderot dans La Promenade du sceptique semble souvent sur le point de passer à la forme dialoguée, qui allait devenir son mode d'expression le plus personnel et le plus efficace. Effectivement, une autre satire allégorique du christianisme, dont on pense qu'il l'a écrite vers la même époque, un conte appelé Qu'en pensez-vous, est presque entièrement rédigée en forme de conversation. Quoique La Promenade du sceptique ne passe pas pour être une des oeuvres majeures de Diderot, elle est loin d'être sans intérêt ; elle montre la vigueur et la variété de son imaginaire " ; elle révèle l'étendue de ses lectures à travers des références à Milton, Montaigne, Rabelais et beaucoup d'autres, sans compter, bien sûr, une très grande familiarité avec l'histoire de la philosophie ; on y retrouve son hostilité habituelle contre les jansénistes; on l'y voit déjà intéressé par les problèmes intellectuels soulevés par la privation de l'un ou plus des cinq sens, problèmes qui devaient bientôt fournir la réflexion centrale de la Lettre sur les aveugles; elle le montre enfin conscient de l'impact du fait biologique sur les spéculations métaphysiques, caractéristique qui allait faire de lui peut-être le premier penseur de son siècle dans le domaine de la philosophie des sciences. L'accent qu'il met sur la nature biologique explique qu'il finira par devenir un philosophe matérialiste, comme nous le verrons. A ce stade, il le fera s'arrêter à mi-chemin entre l'idée d'un univers déiste, réglé par le Dieu horloger de Voltaire, et celle d'un univers athée où il n'y a pas de Dieu du tout l8. Cet arrêt à mi-parcours définit un univers qui fait de Dieu et de la nature une seule et même chose : c'est la doctrine du panthéisme.



Diderot espérait probablement publier La Promenade du sceptique. Mais la police, d'une façon ou d'une autre, l'en empêcha. Selon une version, Diderot sans avoir à se dessaisir du manuscrit, fut néanmoins contraint de promettre à l'inspecteur de la librairie, un certain Joseph d'Hémery, qu'il ne serait pas publié». Ce récit semble confirmé par sa déposition de 1749, alors qu'il se trouvait dans une situation difficile. Il déclara que, s'il était bien l'auteur de La Promenade du sceptique, il en avait par la suite brûlé le manuscrit M. Une autre version des faits, rapportée par Mme de Vandeul, prétend que d'Hémery fouilla la maison de Diderot, découvrit le manuscrit et l'emporta 2'. Cette version est confirmée par les efforts que déploya Diderot pour le retrouver, quelque trente ans plus tard, alors qu'il envisageait de publier une édition complète de ses ouvres *>. Résultat de ces vaines recherches, on dut attendre jusqu'en 1830 la publication de cette allégorie. La mémoire capricieuse de Diderot lui joua des tours jusqu'à lui faire croire que c'était là l'un de ses meilleurs textes, ce qui est bien loin d'être vrai.



En décrivant l'allée des fleurs, Diderot montre Ariste faisant la connaissance d'une très jolie femme dont il parle sur le ton de regret et de sagesse qu'emploie un homme qui se remémore une aventure fâcheuse ébauchée dans un cabaret ou un bar : « C'était une blonde, écrit-il, mais une de ces blondes qu'un philosophe devrait éviter -'. » On se demande si Madeleine d'Arsant de Puisieux était blonde ou si, du moins, Diderot ne finit pas par se persuader qu'elle répondait à cette définition. Pendant un temps, cependant, il vécut sous le charme de cette jeune Parisienne plutôt exigeante, de sept ans sa cadette. Elle était l'épouse de Philippe Florent de Puisieux, un avocat qui n'exerçait pas mais était l'auteur d'un grand nombre de traductions, notamment de l'anglais ». Il est impossible de dire avec exactitude quand commença leur liaison. En mars 1745, il reconnaît aimer « très passionnément » un grand nombre d'objets dont « ma maîtresse », mais ce peut n'être qu'une manifestation de l'esprit « gaulois » de Diderot : si la maîtresse n'existait pas, il fallait l'inventer. On peut en établir indirectement la chronologie approximative : en 1751, Mme de Puisieux publie un livre dans lequel elle parle ouvertement de Diderot et fait état de « cinq années d'habitude " ». Si leur liaison a duré cinq ans, elle n'a pas pu s'être nouée après 1746, ce qui concorderait avec ce que dit Mme de Vandeul, que Diderot écrivit ses Pensées philosophiques à Pâques 1746 pour donner de l'argent à sa maîtresse M. Sans doute est-ce exact en substance, mais force est de reconnaître que si le récit de Mme de Vandeul sur l'affaire Puisieux est manifestement inexact sur un autre point, il peut l'être aussi sur celui-ci. Elle prétend, en effet, que Diderot prit Mme de Puisieux pour maîtresse pendant un séjour de Mme Diderot à Langres, où son mari l'avait envoyée dans l'espoir de faire accepter son mariage par sa famille 2'. Mais il existe des documents qui prouvent qu'en septembre 1749, le père de Diderot ignorait encore que son fils fût marié. La visite que Mme Diderot fit à Langres en 1752 paraît donc avoir été la première w. D'évidence, une personne de la famille Diderot, sa fille ou lui-même, avait honte qu'il eût pris une maîtresse et fabriqua ce conte de toutes pièces, pensant que la privation conjugale atténuerait sa faute.



Du peu que l'on sait de Mme de Puisieux émane un parfum désagréable et déplaisant. On a dit d'elle « avec un humour trop évident », écrit lord Morley, « qu'elle n'avait ni le mérite ni la vertu que son admirateur venait de célébrer " ». Mme de Puisieux se mit à écrire, sans nul doute encouragée par Diderot. C'était un auteur ambitieux, rempli de vanité et de prétention intellectuelle, comme le montrent ses diverses préfaces et introductions, qu'irritait fort l'idée qu'elle ait cherché auprès de Diderot quelque aide littéraire. Ainsi se donne-t-elle un mal extrême dans le discours préliminaire de son premier livre, Conseils à une amie, pour affirmer que « M.D*** » n'a rien à voir avec la composition ou la révision de son ouvrage ". Personne ne la crut ; on Ut à son nom dans les registres de police du bureau de censure que « c'est Diderot, son bon ami, qui a fait tout le corps de ce livre " ». L'abbé Raynal, auteur d'une gazette mensuelle, écrivait à ses lecteurs : « J'ignore de qui est ce livre, mais je suis sûr qu'il a été corrigé par Monsieur Diderot... " » Quand l'opinion continua de parler pareillement de son deuxième livre, les Caractères, la dame devint acerbe : « Quand les Caractères parurent l'année dernière, on voulut bien fermer les yeux (...) pour l'attribuer à un savant qui, éloigné du monde, se fait gloire d'ignorer ses maximes. (...) Si l'éditeur de l'Encyclopédie est capable de remplir dignement un aussi grand ouvrage, il lui serait peut-être impossible d'en composer d'aussi futiles que les miens... " » (Ces réflexions, publiées en 1751, prouvent assez que leur aventure s'était achevée dans l'amertume et le dépit.) Quant à ses protestations d'originalité, les critiques remarquèrent que ses ouvrages postérieurs (tombés dans l'oubli, comme Alzarac, Histoire de Mademoiselle Terville, Mémoires de la comtesse de Zurlac et Zamor et Almanzinè) n'avaient pas la vivacité et ne remplissaient point les promesses des premiers. « Les ouvrages de morale, par lesquels Madame de Puisieux a signalé ses premiers pas dans la carrière littéraire, écrivait un critique indulgent, lui ont acquis une gloire qu'elle n'a pu perdre par ses romans w ». Mme de Puisieux vécut jusqu'en 1795, consumée jusqu'à la fin par la vanité. Une personne qui la rencontra quand elle avait soixante ans, a parlé de son « ridicule » et de son manque de jugement et de puissance intellectuelle, bien qu'elle ait été à l'évidence convaincue d'en être dotée à un très haut degré. A cette époque, Mme de Puisieux était courbée par l'âge et perdait ses dents, mais « gardait les petits airs et les prétentions dont l'affectation ne se pardonne guère même à la jeunesse " ».

L'amour de Diderot pour Mme de Puisieux était dévorant, comme il le confessa à Voltaire dans une lettre de 1749 : « une passion violente qui dispose presque entièrement de moi '. ». Un tel attachement ne pouvait que jeter le désordre dans son foyer. Mme de Vandeul écrit : « Ma grand-mère mourut, elle resta seule, sans société. L'éloignement de son mari redoubla la douleur de cette perte ; son caractère devint triste, son humeur moins douce. (...) Si la tendresse qu'elle avait pour mon père eût pu s'affaiblir, sa vie eût été plus heureuse ; mais rien n'a pu la distraire un moment ". »



Les Confessions de Rousseau montrent le Diderot de cette époque étroitement lié à un petit cercle d'amis. « Je parlai à Diderot de Condillac et de son ouvrage ; je leur fis faire connaissance. Ils étaient faits pour se convenir ; ils se convinrent. Diderot engagea le libraire Durand à prendre le manuscrit de l'abbé. (...) Comme nous demeurions dans des quartiers fort éloignés les uns des autres, nous nous rassemblions tous trois une fois la semaine au Palais-Royal, et nous allions dîner ensemble à l'hôtel du Panier-Fleuri. » II faut que ces petits dîners hebdomadaires aient été fort agréables à Diderot, car lui qui manquait presque tous ses rendez-vous ne manqua jamais un de ceux-là. « Je formai là le projet d'une feuille périodique, intitulée Le Persifleur, que nous devions faire alternativement, Diderot et moi. J'en esquissai la première feuille, et cela me fit faire connaissance avec d'Alembert, à qui Diderot en avait parlé. Des événements imprévus nous barrèrent, et ce projet en demeura là40.»

Paris attirait alors tous les talents, comme le montre la réunion autour d'une table du Panier-Fleuri de ces quatre jeunes hommes - d'Alembert, l'enfant trouvé parisien, Condillac, le noble lyonnais, Rousseau, le plébéien de Genève et d'Annecy et Diderot, le bourgeois de Langres. Il en était ainsi depuis des siècles. On trouvait à Paris la compagnie stimulante et fructifiante de l'élite, comme les d'Alembert, les Condillac, les Rousseau, les Diderot, s'instruisant les uns les autres, se stimulant, profitant des facilités intellectuelles, et jouissant pleinement de l'histoire et des monuments de cette ville prestigieuse et si vénérable. Diderot faisait maintenant partie de cet univers. 11 était un « bourgeois de Paris », comme les certificats de naissance de ses enfants l'attestaient. Tandis qu'il se rendait (à condition de prendre le chemin le plus courT) de la rue Mouffetard à son rendez-vous hebdomadaire au Palais-Royal, il passait - comme un touriste le ferait de nos jours - par Sainte-Étienne-du-Mont, où sont enterrés Pascal et Racine ; le Pont-Neuf, où Henri IV fut assassiné ; et Saint-Germain l'Auxerrois, où le tocsin annonça le massacre de la Sainte-Barthélémy. Marchant dans les rues de Paris, il a souvent pu évoquer ces mots de Montaigne sur la ville, mots qu'il connaissait sans doute car Montaigne était un de ses auteurs favoris :

Paris a mon cour dès mon enfance, je ne suis Français que par cette grande cité, grande surtout et incomparable en variéré, la gloire de la France et l'un des plus nobles ornements du monde *.

Le petit cercle d'amis évoqué par Rousseau était composé d'hommes qui, tous, allaient devenir célèbres. Condillac, bien qu'affligé d'une si mauvaise vue qu'il n'apprit à lire dit-on qu'à douze ans, devint le premier psychologue de sa génération. Il se signala en interprétant pour ses compatriotes les doctrines de John Locke (qu'il était pourtant incapable de lire dans l'originaL) et en poussant plus loin leurs conclusions. Cette sorte de spéculation le plaça aux frontières de la science, dans cette zone d'ombre entre la psychologie et la métaphysique, ce qui ressort aisément de ses ouvrages : ainsi l'Essai sur l'origine des connaissances humaines, que Diderot contribua à faire publier en 1746. D'un an plus jeune que Diderot, Condillac était entré dans les ordres en 1740 et, si même l'on raconte qu'il ne célébra la messe qu'une seule fois dans sa vie, il prenait grand soin de n'écrire rien que l'on aurait put prétendre hostile à l'Eglise. Diderot et lui s'éloignèrent l'un de l'autre, peut-être à ce sujet. Il faut souligner que Condillac, souvent cité dans l'Encyclopédie, n'est pas mentionné comme y ayant contribué. Il est difficile de croire, compte tenu de la réputation de Condillac, que Diderot n'ait pas désiré sa collaboration ; on peut donc présumer que celui-ci jugea trop compromettante son association avec Diderot. Quoi qu'il en fût, leur association, pour aussi longtemps qu'elle dura, fut extrêmement profitable à l'un comme à l'autre. En ce qui concerne Diderot, on le voit clairement dans la Lettre sur les aveugles (1749), plus solidement fondée dans ses concepts psychologiques et métaphysiques qu'aucun de ses livres précédents. Quant à l'influence de Diderot sur Condillac, le Traité des Sensations (1754) est la conséquence des observations de Diderot dans la Lettre sur les aveugles sur la conformité apparente des hypothèses de Condillac et de celles du philosophe anglais Berkeley "'. « Diderot n'avait fait que signaler des affinités troublantes entre des ouvres qui, par ailleurs étaient sans rapport, écrit l'auteur le plus qualifié pour parler de Condillac. Avec un sens critique étonnant, il avait pressenti le problème qu'impliquait la tentative de Condillac 42. »

Jean Le Rond d'Alembert, dont nous allons beaucoup entendre parler, était de quatre ans plus jeune que Diderot. Fils naturel d'une des femmes les plus célèbres du XVIIIe siècle et du chevalier Destouches, lieutenant général de l'armée française, il fut abandonné sur les marches de l'église Saint-Jean-Ie-Rond (baptistère de Notre-Dame de PariS) et reçut son nom de cette circonstance. La femme d'un vitrier, une certaine dame Rousseau, lui servit de mère jusqu'à son âge mûr. II demeura avec elle, occupant une modeste chambre de son humble foyer, jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et qu'il fût alors l'un des hommes les plus célèbres d'Europe, elle ne sut jamais, dit-on, quelle notoriété avait acquise son fils adoptif. A la différence de Diderot, d'Alembert fut particulièrement précoce. Il fut membre associé de l'Académie des sciences dès l'âge de vingt-cinq ans. A vingt-six ans, il publia son Traité de dynamique, qui fut « un événement dans l'histoire des sciences " ». D'Alembert était frêle et de petite taille, avec un visage merveilleusement intelligent et séduisant (comme on le voit dans le pastel de La TouR) et une voix de fausset, perçante et sonore, qui faisait dire à ses ennemis qu'il n'était pas vraiment un homme ; il avait aussi un don d'imitateur qui faisait la joie et les délices de ses compagnons.

Au sein de ce petit cercle d'amis, face au psychologue, au mathématicien et au musicien (Rousseau vers cette époque entreprit d'écrire les articles sur la théorie musicale pour la future EncyclopédiE), Diderot montrait l'universalité de son esprit par son intérêt et ses connaissances pour et dans la spécialité de chacun. Un avant-goût de cette largeur de vues et de cette compétence se trouve dans un article qu'il publia anonymement dans le numéro d'octobre 1747 du Mercure de France sous le titre : « Projet d'un nouvel orgue » M. Cet écrit fut republié plus tard, sous son nom, dans ses Mémoires sur différents sujets de mathématiques (1748) et souleva beaucoup d'intérêt chez l'éditeur du Gentleman's Magazine, le principal périodique londonien de l'époque. Diderot avait à l'esprit des perfectionnements à apporter à la simple serinette ou orgue mécanique. Cet instrument - une excellente description, avec gravure correspondante, se trouve dans l'Encyclopédie à l'article « Serinette » rédigé par Diderot - avait une étendue d'une octave seulement et un répertoire de quelques rares airs 4!. La principale innovation de Diderot, simple mais efficace, visait à élargir l'étendue du clavier et le répertoire d'un tel instrument. Un orgue à cylindres construit selon sa description devait permettre, même à ceux qui ne savaient pas jouer d'un instrument, d'« exécuter » des morceaux de musique assez compliqués et rendant ainsi la musique plus facilement accessible au grand nombre. Il semble également que Diderot avait en tête l'élaboration d'instruments assez grands pour qu'on en jouât dans les églises. Il lança l'idée d'un chronomètre pour battre la mesure avec exactitude, anticipant ainsi le métronome de Maelzel. Compte tenu de cet intérêt précoce, il n'est pas étonnant que lorsque l'Encyclopédie entra en préparation, Diderot se soit réservé les articles sur les instruments de musique, leur fabrication, leurs particularités acoustiques et la méthode pour en jouer.



Le Projet d'un nouvel orgue était une oeuvre très significative. Il montre d'abord la rapidité d'esprit de Diderot, sa curiosité, son originalité, son sens de l'invention. Il dénote aussi une fascination constante pour le rapport entre théorie pure et savoir appliqué, et pour les instruments. Discutant de l'emplacement à donner aux broches sur le cylindre de l'orgue pour en étendre le registre, il porte une égale attention aux questions théoriques et technologiques. Autre trait spécifique de Diderot, sa faculté d'introduire dans toute espèce de discussion une note très marquée de subjectivité, une touche personnelle, y compris dans un article anonyme sur un sujet technique. Cette qualité ravissait l'éditeur du Gentleman's Magazine autant que l'invention elle-même. « Ce qui inspira cette idée à l'auteur, qui semble fort versé dans la physique et la géométrie », écrivait-il dans l'article de tête du numéro d'août 1749, se verra dans le passage suivant tiré de son livre : « Pour moi qui ne suis guère plus honteux et guère moins curieux qu'un enfant, je n'eus ni cesse ni repos que je n'eusse examiné le premier orgue d'Allemagne que j'entendis : et comme je ne suis point musicien, que j'aime beaucoup la musique (...), il me vint en pensée qu'il serait bien commode (...) qu'il y eût un pareil orgue ou quelque autre instrument qui n'exigent ni plus d'aptitude naturelle, ni plus de connaissances acquises et sur lequel on pût exécuter toute pièce de musique. »



Plus tard, au XVIII siècle, les instruments utilisant le mécanisme de cylindres à stylets furent grandement améliorés, tant en France qu'en Angleterre, mais attribuer ces progrès à Diderot ne serait guère plus convaincant qu'un argument du type post hoc, ergo propter hoc 47. Dans le Gentleman's magazine de septembre 1749, un lecteur du Lancashire demande si « votre description de l'orgue de Monsieur Diderot a déjà décidé les artistes musico-mécaniques de Londres à se mettre au travail. Selon toute probabilité, le plan doit fonctionner. Il a pour lui plusieurs avantages dont l'un, surtout, sera de poids aussi bien auprès des exécutants qu'auprès de ceux qui ne le sont pas : je veux parler de la mobilité des stylets des rouleaux». On est donc tenté de croire que l'influence de Diderot s'exerça à la fin du XVIIIe et au début du xixr siècle, période pendant laquelle l'application à l'orgue du mécanisme avec cylindres et stylets devint très courante en Angleterre. Le docteur Scholes, le célèbre musicologue anglais, a retrouvé, en 1934, dans une église du Suffolk, un de ces orgues servant encore une fois par semaine 4'. Diderot éprouva toujours un vif plaisir à être dénommé philosophe ou mieux encore le philosophe. Sous bien des rapports, il s'était qualifié pour bénéficier de ce titre, dans son sens usuel. En 1746-1747 (ses écrits le prouvenT), il était déjà fort versé dans l'histoire de la philosophie ; il se souciait déjà de questions de morale, de la nature de Dieu, du rapport de l'homme avec Lui, et du problème de l'être. On le voit déjà fourrager dans la philosophie des sciences, s'efforçant d'employer des données mathématiques, biologiques et physiologiques comme auxiliaires pour son investigation des vérités fondamentales.



Mais, plus encore, Diderot voulait être un philosophe dans l'acception spécifique de ce mot en français pour lequel l'anglais n'a pas d'équivalent exact. Qu'est-ce donc qu'un philosophe ? La réponse est malaisée, parce qu'au XVIII siècle, le sens de ce mot évoluait très rapidement. Au début du siècle, selon le Suisse Murait, qui s'étendit longuement sur les manières des Français, le terme philosophe était un terme de reproche, presque d'insulte, pour désigner qui souhaitait vivre dans une solitude haïssable et chagrine. Mais cinquante années avaient changé tout cela ; les philosophes se déclaraient aussi sociables que n'importe lequel de leurs concitoyens, et le mot prit une connotation flatteuse. En outre, il devint le nom d'un parti, avec toutes les caractéristiques que génère le nom d'un parti, qui font battre le cour et monter le taux d'adrénaline. Il n'est pas difficile de voir ce que les philosophes entendaient par « philosophie » ; il n'est que de tourner la page à l'article « Philosophe » de l'Encyclopédie, longtemps considéré comme l'un des meilleurs que Diderot ait écrits. En réalité, ce n'est qu'une version abrégée d'un article rédigé par un inconnu, imprimé pour la première fois en 1743 et ayant peut-être préalablement circulé sous forme de manuscrit ". On peut raisonnablement tenir pour certain que Diderot connaissait ce texte à l'époque (1746-1747) où il endossait les responsabilités de l'Encyclopédie. On peut déduire l'enthousiasme que lui inspira cet article de la fidélité avec laquelle il l'a publié dans l'Encyclopédie, qu'il l'ait « écrit » lui-même ou qu'il l'ait reçu d'une autre main. Ces extraits de l'édition de 1743, reproduits presque mot pour mot dans l'Encyclopédie, donneront un aperçu de l'idée que se faisait de lui-même un philosophe du xvnr siècle.

La Raison est à l'égard du philosophe ce que la Grâce est à l'égard du chrétien dans le système de saint Augustin.



L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes. Mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive. (...) L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer ou dans le fond d'une forêt (...), ses besoins et le bien-être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connaisse, qu'il étudie et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables.



Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite et le commerce des hommes est plein d'humanité. C'est le Chrêmes de Térence, qui sent qu'il est homme et que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani a me nihil alienum pulo.

...La société civile est, pour ainsi dire, la seule divinité qu'il reconnaisse sur la terre (l'Encyclopédie, plus circonspecte, dit : pour lui la société des hommes est, pour ainsi dire, une divinité sur la terrE) ; il l'encense, il l'honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs et par un désir sincère de n'en être pas un membre inutile ou embarrassant...



Le philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par la raison, et qui joint à un esprit de réflexion et de justesse les mours et les qualités sociables ".



Ces citations permettent de comprendre pourquoi le terme « philosophe », chargé d'harmonies aussi heureuses, devint un terme flatteur au xvnr siècle. Par ses aspects positifs, il révèle un sens des responsabilités sociales qui attirait les sympathies et séduisait la largeur d'esprit de nombreuses personnes, bien intentionnées. Le philosophe était par définition un homme probe et vertueux, l'homme vertueux par excellence. Dans ses aspects négatifs, disons qu'il était facile d'être un philosophe. Nul besoin de se tourmenter pour des préalables aussi pénibles que la connaissance de la différence entre ontologie et épistémologie. Pour être admis dans l'allée des marronniers, point de conditions pédantes sur la connaissance technique du sujet.

Comme le remarque H. Dieckmann, l'auteur de ce traité (et avec lui le parti des encyclopédisteS) « ne voit pas dans le philosophe l'auteur d'un système d'idées, le créateur d'une interprétation globale du monde. Le philosophe, ainsi conçu, apparaît comme un modèle, une norme idéale vers laquelle on tend, comme on s'efforçait au temps de la Renaissance d'être un uomo universale ou cortigiano, au xix' siècle, un gentleman ". »

Diderot était un homme qui philosophait. C'était aussi un philosophe. Ses premiers écrits, qui prouvent sa maîtrise de la méthodologie philosophique, au sens habituel du terme, révélaient, sans aucun doute, l'approche caractéristique du « philosophe » décrite par l'auteur du traité. Le philosophe pointait à l'horizon.






Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.



Denis Diderot
(1713 - 1784)
 
  Denis Diderot - Portrait  
 
Portrait de Denis Diderot


Biographie / Ouvres


mobile-img