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Charles BAUDELAIRE 1821-1867 - Une esthétique de l'imagination


Poésie / Poémes d'Charles Baudelaire





« Kamtchatka » littéraire en son temps, géant poétique aujourd'hui entre le romantisme noir et la modernité, Baudelaire est un peu le prototype de ces poètes maudits que Verlaine évoquera plus tard. La vie même qui fut la sienne semble bien correspondre au mythe et presque le définir pour la suite. Sa mère, devenue veuve alors qu'il a cinq ans, épouse en secondes noces le terrible et haï colonel Aupick qui envoie son beau-fils en pension, un beau-fils qui participe d'ailleurs aux émeutes de la Croix-Rousse (1834). De bonnes études, cependant, le conduisent malgré tout au deuxième prix de vers latins au Concours Général ; mais les exercices scolaires, le baccalauréat et les études de droit laissent la place à un travail plus personnel. Baudelaire commence déjà à écrire vers cette époque les premiers poèmes (1841-43) des Fleurs du Mal, il essaie aussi de se libérer de la tutelle familiale. Le colonel Aupick ne l'entend pas de cette oreille et l'embarque (1841) sur un bateau voguant vers les Indes : Baudelaire découvre l'île Maurice et l'île Bourbon (la RéunioN) ; il reviendra ensuite à Paris où il rencontre la mulâtresse Jeanne Duval, une de ses maîtresses, mais celle à laquelle l'uniront les liens les plus forts. Baudelaire, grâce à la libre disposition de la fortune de son père, mène alors une vie bohème très libre dans un hôtel de l'île Saint-Louis où il habite avec des peintres et des artistes, des écrivains aussi comme Gautier. Cette existence et les dettes qu'il contracte inquiètent sa famille qui le dote d'un conseil judiciaire qu'il gardera toute sa vie (une tentative de suicide en 1845).





L'ouvre de Baudelaire est très diverse, dispersée pourrait-on dire en fonction des occasions et des sympathies : vers, petites proses et articles dans l'Artiste ou le Corsaire-Satan, nouvelles, traductions de Poe, Conseils aux jeunes littérateurs et Choix de maximes consolantes sur l'amour (1846), et surtout les deux Salons de 1845 et 1846 (un autre en 1859). En 1848, Baudelaire participe un temps au mouvement politique, il écrit dans les journaux, en fonde un avec Champfleury, mais abandonne cet engagement pour la littérature pure et une passion qui le lie à Mme Sabatier. Il continue à traduire Poe auquel l'unit une solidarité esthétique qui ne se dément pas (trad. des Contes extraordinaires, 1854 ; des Histoires extraordinaires, 1856 ; des Nouvelles Histoires extraordinaires, 1857 ; des Aventures d'Arthur Gordon Pym, 1857-58 ; de Genèse d'un poème, 1859 ; des Histoires grotesques et sérieuses, 1865). Les liens avec Mme Sabatier, platoniques puis décevants, dominent les années qui précèdent la parution des Fleurs du Mal (1857, chez Poulet et MalassiS), préparée par la publication de certains poèmes dans la Revue des Deux Mondes et débouchant sur le fameux procès perdu : Baudelaire et son éditeur sont condamnés. Paraissent encore durant cette période des critiques et des études (sur Madame Bovary, Théophile Gautier ou WagneR), le volume des Paradis artificiels (1860) ainsi qu'une seconde édition des Fleurs du Mal (1861) et le texte sur Constantin Guys (le Peintre de la vie moderne, 1863). Il faudrait ensuite détailler la parution de poèmes qui viendront compléter les Fleurs du Mal et surtout les différentes séries de poèmes en prose (le Spleen de PariS). Le succès ne vient guère, et surtout pas en Belgique où il part chercher fortune (1864). Aggravant encore la situation, sa santé décline et il est atteint d'aphasie et de paralysie : il meurt à Paris le 31 août 1867. L'année suivante paraîtront les Curiosités esthétiques (1868) avant l'Art romantique (1868) et les Petits poèmes en prose (1869). Bien plus tard, on éditera les pages intimes des Fusées et de Mon cour mis à nu (1887).



Une esthétique de l'imagination



Si Baudelaire est le premier poète moderne, cela tient en partie à la place que tient chez lui la réflexion critique. Celle-ci fait en effet partie intégrante de l'ouvre au même titre que les Fleurs du Mal ou les poèmes en prose. Et sans que l'esthétique, ici, brime la poésie ou l'enferme dans des a priori.

La liberté de l'imagination est le point essentiel de cette « doctrine » qui se formule dans les Salons ou les articles : l'imagination « reine des facultés » s'oppose donc dans cette esthétique à la « trivialité positive ». « Je voudrais, dit-il, des prairies teintes en rouge et des arbres peints en bleu. La nature n'a pas d'imagination. » Une telle phrase fraye peut-être la voie à l'impressionnisme, elle rejoint, en tout cas, le primat donné pour commencer à l'artifice sur le naturel, à l'art sur le réel. Il est évident que de telles options s'opposent directement à un réalisme mal compris pour lequel Baudelaire a les mots les plus durs. Ce qu'il lui reproche, c'est d'abord son inconséquence et sa tendance, en fait, à imiter plus ce qui s'est déjà peint que la nature elle-même : ces faux réalistes sont en définitive des plagiaires plutôt que des observateurs et il faut donc souhaiter que l'originalité des vrais créateurs (Delacroix, GautieR) fasse disparaître les poncifs des petits maîtres et des faux poètes, enclins souvent à reprendre les recettes acquises (les genres définis, un certain style facile aimé du publiC) plutôt qu'à faire une ouvre véritablement personnelle, nouvelle.

Cette esthétique baudelairienne a en effet le culte de la personnalité originale, du génie, et l'attaque contre les plagiaires définit en creux l'exaltation de ceux que Baudelaire appelle « les phares » : Rubens, Michel-Ange, Léonard de Vinci et bien sûr Delacroix dont les idées et l'exigence, la rigueur sont jugées exemplaires :



Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,

Ombragé par un bois de sapins toujours vert,

Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges

Passent, comme un soupir étouffé de Weber.



Ses innovations en ce qui concerne l'utilisation de la couleur, le rôle moteur qu'il lui attribue au rebours des classiques ou des académiques plus attachés au dessin, les difficultés mêmes qu'un tel artiste éprouve à convaincre un grand public et une critique sans intelligence : tout atteste qu'il y a bien là un génie, conforme probablement à la définition de Diderot ou de Kant (cf. la Critique du JugemenT) : à la fois accompli et irréductible à un enseignement d'école, aux canons d'une tradition, sauvage et en liberté.

Et c'est vers Delacroix encore que Baudelaire se tourne lorsqu'il met dans la bouche d'un artiste les grands articles de son credo esthétique : la nature n'est qu'un dictionnaire et il appartient au peintre de la traiter comme un poète utilise un trésor de mots. De même que le vers agence à sa façon le vocabulaire d'une langue, de même le peintre saisit dans la nature ce qui l'intéresse et abandonne tout le reste. En réalité, d'ailleurs, il n'utilise pas la nature telle quelle, il la métamorphose et la met au service d'une vision personnelle, d'une harmonie singulière et spécifique, d'un certain jeu, original, de couleurs et de formes. Le monde de l'art est donc bien, comme il le dit lui-même, un « autre monde » concurrent du monde réel.



Un autre monde



Contre ce grand repoussoir du réalisme, des formes originales s'imposent, peut-être même à raison de la distance qu'elles prennent par rapport au point de départ naturel : celles, par exemple, du maquillage dont Baudelaire fait l'éloge, celles de la caricature, celles des masques en général dont la facticité est belle par principe. On pourrait penser aussi à ces paradis artificiels qui ont pour premier mérite de déréaliser un peu un réel trop présent, étouffant, aveuglant. En fait, l'ivresse trouve là sa justification : paradoxalement, elle éclaire l'esprit en brisant ses chaînes et lui permet d'explorer d'autres champs spirituels, sensibles et sensuels, ceux qu'il porte en lui-même. Là est la véritable beauté et peut-être mieux encore : les arcanes du monde se trouvent du côté de l'esprit qui le perçoit et l'organise en le soumettant à lui : d'où, bien sûr, la fameuse « théorie » des correspondances qui lient une sensation à une autre, en vertu d'une alchimie mystérieuse, d'une cohérence qui est probablement autant dans la sensibilité du poète que dans un arrière-monde « réel ». En définitive, pour reprendre le mot d'Éluard, la « circonstance extérieure » doit retrouver la « circonstance intérieure » qui l'organise en profondeur, l'invente probablement plus qu'elle ne la découvre.



On aurait ici l'explication aussi de cette valorisation paradoxale du bizarre et du laid : dans la mesure où ils inquiètent une certaine beauté figée et académique, ils sont une source de renouvellement poétique : de vieilles femmes, des monstres, un assassin, une charogne deviendront des thèmes esthétiques qui peuvent mener jusqu'à un certain satanisme, délibérément choisi en rupture avec les esthétiques moralisatrices ou trop sages. En ce sens, le blasphème lui-même est l'hommage à la beauté ancienne d'une beauté nouvelle, intense, étrange : comme le dit Valéry, celle-ci remet en cause le bonheur « stationnaire » et « contemplatif jadis intimement uni à l'idée générale du Beau ». Jusqu'au goût de Baudelaire pour le fantastique qui vient confirmer la remise en cause de la nature et du réel. Si Baudelaire traduit Poe, c'est bien sûr en raison d'une solidarité grande entre ses thèmes et ceux de l'auteur américain, c'est aussi parce que les visions nocturnes et inquiètes de Poe font peser sur le monde cette ambiguïté cette hésitation que Tzvetan Todorov considère comme la caractéristique essentielle de la littérature fantastique. Dès lors, si l'art est un autre monde, il est toujours, à un certain degré, quelque peu fantastique, en tout cas déroutant et donc, en régime baudelairien, à la fois seduisant et rebelle.



Une poétique de la tension



Dans la forme relativement classique de ses vers autant que dans l'espace poétique nouveau qu'il trouve dans la prose, Baudelaire réussit à intégrer une thématique de la dissonance et de la négativité : on pourrait montrer en particulier la place occupée par tout ce qui est noirceur, mort, enfers et miroirs obscurcis, impureté, maladie et mort encore... Sartre voit dans ces choix esthétiques le résultat de la solitude et de l'artiste condamné dès lors à cultiver en lui « ces impulsions destructrices dont Baudelaire a parlé dans le Vitrier ». La poésie, étymologiquement créatrice, devient donc destructrice ou plutôt exhibition d'une destruction suicidaire. Conscient des impasses de son temps et de la place impossible qu'il fait à la poésie, le poète n'aurait plus qu'à blasphémer, qu'à dire son regret et son impuissance :



Ma pauvre muse, hélas ! qu'as-tu donc ce matin ?

Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,

Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint

La folie et l'horreur, froides et taciturnes.



À cette perte, à ce manque qui finit par constituer le leitmotiv d'une poésie nostalgique, à la laideur et à la mort, elle joint cependant des instants de rêve, des paradis où une solidarité avec le monde serait possible. Dans la Vie antérieure, par exemple, où les voluptés calmes n'excluent pas chez le poète :



Le secret douloureux qui me faisait languir.



Il y a là, en fait, un idéal à la double polarité, positive et négative qui entre moins en contradiction avec lui-même qu'il n'entretient une tension entre l'immonde et l'angélique, la débauche et l'azur, la détresse et l'harmonie. Dans les deux cas, en effet, il y a une même recherche de la transcendance ou, si l'on préfère, une même quête d'Infini : cet Infini, d'ailleurs, ne se donne pas, il reste beaucoup plus à espérer ou à regretter qu'à saisir véritablement, il est en fait une lutte, comme le prouve l'exemple de « Don Juan aux Enfers ». Il y a donc une double tension : celle, d'abord, qui porte l'artiste à préférer l'extrême à la banalité, et une deuxième qui le pousse à compliquer la pureté du piment de l'impur, le comble du laid avec une beauté inattendue et par là-même intense et nouvelle ; à la fois l'outrance et la complexité.

Sur un autre plan, on constate un peu la même richesse face au monde moderne. Walter Benjamin a montré dans ses textes sur Baudelaire « poète lyrique à l'âge du capitalisme », l'ambiguïté d'une attitude à la fois d'intérêt et de révolte. Certes, le poète refuse la vulgarité d'une époque brutale et laide, cause de souffrance ; mais, en même temps, il est fasciné par l'esprit d'un temps que le peintre de la vie moderne doit saisir. Lui pourra voir la part circonstancielle et historique de la beauté, faire le croquis spécifique des mours, des lieux et des foules de son temps : la mode des lorettes et des dandies, l'actualité, les chevaux et les voitures, tout ce qui paraît banal ou éphémère et qui contient peut-être une part divine : « Pour que toute modernité soit digne de devenir antiquité, il faut que la beauté mystérieuse que la vie humaine y met involontairement en ait été extraite » (le Peintre de la vie modernE). Tout peut donc être ainsi occasion de poésie et particulièrement les choses insignifiantes ou laides : une fausse pièce de monnaie, le monologue d'un assassin, le joujou d'un pauvre, un coin de rue que la poésie esthétise plus qu'il n'est esthétique en lui-même ; la poésie transfigure le monde, mais nous permet aussi de le voir différemment ou d'y voir autre chose.



Allons plus loin : la poésie, dans la mesure où elle est imagination, cherche à faire apparaître un monde dont la légitimité ne se fonde pas sur la réalité, mais sur la qualité esthétique et le mystère. Le texte des « Fenêtres » dans le Spleen de Paris rejoint bien cette idée : « Celui qui regarde de dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée [...]. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffle la vie ». Une autre manière de formuler les choses consisterait à montrer la curieuse dialectique qui alterne la destruction et l'apparition. Un peu comme son contemporain Flaubert, Baudelaire voit le monde esthétique comme un arrachement au réel et comme une interrogation que l'art s'adresse à lui-même : la poésie est d'abord la question adressée à ses propres pouvoirs.



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Charles Baudelaire
(1821 - 1867)
 
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Biographie

Charles Baudelaire, né à Paris en 1821, a six ans lorsqu'il perd son père, un peintre fantasque et cultivé, ancien prêtre assermenté. Sa mère se remarie avec le futur général Aupick, union que l'enfant qui rêve, de Lyon à Paris, au gré des garnisons, en de tristes internats, d'être « tantôt pape, tantôt comédien », accepte mal. Reçu au baccalauréat, tandis que son beau-père est nommé général de br

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