wikipoemes
paul-verlaine

Paul Verlaine

alain-bosquet

Alain Bosquet

jules-laforgue

Jules Laforgue

jacques-prevert

Jacques Prévert

pierre-reverdy

Pierre Reverdy

max-jacob

Max Jacob

clement-marot

Clément Marot

aime-cesaire

Aimé Césaire

henri-michaux

Henri Michaux

victor-hugo

Victor Hugo

robert-desnos

Robert Desnos

blaise-cendrars

Blaise Cendrars

rene-char

René Char

charles-baudelaire

Charles Baudelaire

georges-mogin

Georges Mogin

andree-chedid

Andrée Chedid

guillaume-apollinaire

Guillaume Apollinaire

Louis Aragon

arthur-rimbaud

Arthur Rimbaud

francis-jammes

Francis Jammes


Devenir membre
 
 
auteurs essais
 

Alfred de Musset



Sur trois marches de marbre rose - Poéme


Poéme / Poémes d'Alfred de Musset





Depuis qu'Adam, ce cruel homme,
A perdu son fameux jardin,
Où sa femme, autour d'une pomme,
Gambadait sans vertugadin,



Je ne crois pas que sur la terre
Il soit un lieu d'arbres planté
Plus célébré, plus visité,
Mieux fait, plus joli, mieux hanté,
Mieux exercé dans l'art de plaire,
Plus examiné, plus vanté,
Plus décrit, plus lu, plus chanté,
Que l'ennuyeux parc de
Versailles. Ô dieux 1 ô bergers 1 ô rocailles!
Vieux
Satyres,
Termes grognons,
Vieux petits ifs en rangs d'oignons, ô bassins, quinconces, charmilles
I
Boulingrins pleins de majesté,
Où les dimanches, tout l'été,
Bâillent tant d'honnêtes familles !
Fantômes d'empereurs romains,
Pâles nymphes inanimées
Qui tendez aux passants les mains,
Par des jets d'eau tout enrhumées!
Tourniquets d'aimables buissons,
Bosquets tondus où les fauvettes
Cherchent en pleurant leurs chansons,
Où les dieux font tant de façons
Pour vivre à sec dans leurs cuvettes
I Ô marronniers! n'ayez pas peur;
Que votre feuillage immobile,
Me sachant versificateur,
N'en demeure pas moins tranquille.
Non, j'en jure par
Apollon
Et par tout le sacré vallon,
Par vous,
Naïades ébréchées,
Sur trois cailloux si mal couchées,
Par vous, vieux maîtres de ballets,
Faunes dansant sur la verdure,
Par toi-même, auguste palais,
Qu'on n'habite plus qu'en peinture,



Par
Neptune, sa fourche au poing,
Non, je ne vous décrirai point.
Je sais trop ce qui vous chagrine;
De
Phobus je vois les effets :
Ce sont les vers qu'on vous a faits
Qui vous donnent si triste mine.
Tant de sonnets, de madrigaux,
Tant de ballades, de rondeaux,
Où l'on célébrait vos merveilles,
Vous ont assourdi les oreilles,
Et l'on voit bien que vous dormez
Pour avoir été trop rimes.

En ces lieux où l'ennui repose,

Par respect aussi j'ai dormi.

Ce n'était, je crois, qu'à demi :

Je rêvais à quelque autre chose.

Mais vous souvient-il, mon ami,

De ces marches de marbre rose,

En allant à la pièce d'eau

Du côté de l'Orangerie,

À gauche, en sortant du château?

C'était par là, je le parie,

Que venait le roi sans pareil,

Le soir, au coucher du soleil,

Voir dans la forêt, en silence,

Le jour s'enfuir et se cacher

(Si toutefois en sa présence

Le soleil osait se coucher).

Que ces trois marches sont jolies !

Combien ce marbre est noble et doux!

Maudit soit du ciel, disions-nous,

Le pied qui les aurait salies

N'est-il pas vrai?
Souvenez-vous.

-
Avec quel charme est nuancée



Cette dalle à moitié cassée
Voyez-vous ces veines d'azur,
Légères, fines et polies,
Courant, sous les roses pâlies,
Dans la blancheur d'un marbre pur?
Tel, dans le sein robuste et dur
De la
Diane chasseresse,
Devait courir un sang divin;
Telle, et plus froide, est une main
Qui me menait naguère en laisse.
N'allez pas, du reste, oublier
Que ces marches dont j'ai mémoire
Ne sont pas dans cet escalier
Toujours désert et plein de gloire,
Où ce roi, qui n'attendait pas,
Attendit un jour, pas à pas,
Condé, lassé par la victoire s.
Elles sont près d'un vase blanc,
Proprement fait et fort galant
Est-il moderne? est-il antique?
D'autres que moi savent cela;
Mais j'aime assez à le voir là,
Etant sûr qu'il n'est point gothique.
C'est un bon vase, un bon voisin;
Je le crois volontiers cousin
De mes marches couleur de rose;
Il les abrite avec fierté. 0 mon
Dieul dans si peu de chose
Que de grâce et que de beauté



Dites-nous, marches gracieuses,
Les rois, les princes, les prélats,
Et les marquis à grands fracas,
Et les belles ambitieuses,
Dont vous avez compté les pas;



Celles-là surtout, j'imagine,
En vous touchant ne pesaient pas.
Lorsque le velours ou l'hermine
Frôlaient vos contours délicats,
Laquelle était la plus légère ?
Est-ce la reine
Montespan?
Est-ce
Hortense avec un roman,
Maintenon avec son bréviaire,
Ou
Fontange avec son ruban?
Beau marbre, as-tu vu la
Vallière?
De
Parabère ou de
Sabran
Laquelle savait mieux te plaire?
Entre
Sabran et
Parabère
Le
Régent même, après souper,
Chavirait jusqu'à s'y tromper.
As-tu vu le puissant
Voltaire,
Ce grand frondeur des préjugés,
Avocat des gens mal jugés,
Du
Christ ce terrible adversaire,
Bedeau du temple de
Cythère,
Présentant à la
Pompadour
Sa vieille eau bénite de cour?
As-tu vu, comme à l'ermitage,
La rondelette
Dubarry
Courir, en buvant du laitage,
Pieds nus, sur le gazon fleuri?
Marches qui savez notre histoire,
Aux jours pompeux de votre gloire,
Quel heureux monde en ces bosquets
Que de grands seigneurs, de laquais,
Que de duchesses, de caillettes,
De talons rouges, de paillettes,
Que de soupirs et de caquets,
Que de plumets et de calottes,
De falbalas et de culottes,
Que de poudre sous ces berceaux,



Que de gens, sans compter les sotsl
Règne auguste de la perruque,
Le bourgeois qui te méconnaît
Mérite sur sa plate nuque
D'avoir un éternel bonnet.
Et toi, siècle à l'humeur badine,
Siècle tout couvert d'amidon,
Ceux qui méprisent ta farine
Sont en horreur à
CupidonL.
Est-ce ton avis, marbre rose?
Malgré moi, pourtant, je suppose
Que le hasard qui t'a mis là
Ne t'avait pas fait pour cela.
Aux pays où le soleil brille,
Près d'un temple grec ou latin,
Les beaux pieds d'une jeune fille,
Sentant la bruyère et le thym,
En te frappant de leurs sandales,
Auraient mieux réjoui tes dalles
Qu'une pantoufle de satin.
Est-ce d'ailleurs pour cet usage
Que la nature avait formé
Ton bloc jadis vierge et sauvage
Que le génie eût animé?
Lorsque la pioche wt la truelle
T'ont scellé dans ce parc boueux,
En t'y plantant malgré les dieux,
Mansard insultait
Praxitèle.
Oui, si tes flancs devaient s'ouvrir,
Il fallait en faire sortir
Quelque divinité nouvelle.
Quand sur toi leur scie a grincé,
Les tailleurs de pierre ont blessé
Quelque
Vénus dormant encore,
Et la pourpre qui te colore
Te vient du sang qu'elle a versé.



Est-il donc vrai que toute chose

Puisse être ainsi foulée aux pieds,

Le rocher où l'aigle se pose,

Comme la feuille de la rose

Qui tombe et. meurt dans nos sentiers ?

Est-ce que la commune mère,

Une fois son ouvre accompli,

Au hasard livre la matière,

Comme la pensée à l'oubli?

Est-ce que la tourmente amère

Jette la perle au lapidaire

Pour qu'il l'écrase sans façon?

Est-ce que l'absurde vulgaire

Peut tout déshonorer sur terre

Au gré d'un cuistre ou d'un maçon?



Contact - Membres - Conditions d'utilisation

© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Alfred de Musset
(1810 - 1857)
 
  Alfred de Musset - Portrait  
 
Portrait de Alfred de Musset

Biographie / chronologie

1810

ouvres

SOUVENIRS ET TÉMOIGNAGES DE CONTEMPORAINS
(par ordre alphabétique)

mobile-img