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Alfred de Musset

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Les Premières poésies


Poésie / Poémes d'Alfred de Musset





« Ce livre est toute ma jeunesse. »



Entre 1829 et 1835, Alfred de Musset écrit les poèmes qu'il réunira sous le titre de Premières poésies. Dans cette première partie de son ouvre poétique, on trouve les Contes d'Espagne et d'Italie, en vers, c'est-à-dire la matière du premier recueil publié en 1829 alors que le jeune Alfred appartenait encore pour peu de temps au Cénacle.



Sans connaître ni l'Espagne ni l'Italie, il cédait à l'engouement de ses contemporains. Au départ, le recueil ne devait contenir que deux poèmes dramatiques : Don Paez, celui d'Espagne, avec pour fond la jalousie, et Portia, triomphe de l'amour à l'italienne. Les tenants de l'ouvre à forte densité poétique peuvent être déçus par ces ouvres éloquentes et prosaïques, mais si l'on se reporte à l'époque de leur publication, en plein romantisme libre et flamboyant, après tant de lourdeurs néo-classiques, on peut comprendre que le public acquis à la nouvelle école ait pu être charmé, émerveillé, étonné par ces vers pleins de fantaisie, de pirouettes narquoises, par cet univers d'opéra-comique autour de jalousies, d'adultères, de crimes à ne pas trop prendre au sérieux. Ne dirait-on pas, dans les vers qui suivent, que le jeune Musset s'amuse et rit sous cape d'un bon tour joué à ses aînés romantiques ?





Les premières clartés du jour avaient rougi

L'Orient, quand le comte Onorio Luigi

Rentra du bal masqué. - Fatigue ou nonchalance,

La comtesse à son bras s'appuyait en silence,

Et d'une main distraite écartait ses cheveux

Qui tombaient en désordre et voilaient ses beaux yeux.



Elle s'alla jeter, en entrant dans la chambre, S ur le bord de son lit. - On était en décembre...



Son éditeur lui conseilla de compléter son recueil. Il ajouta notamment Mardoche, conte en vers qui réunit le trio habituel mari-femme-amant, meilleur et plus hardi, le poète pratiquant, au scandale de tous, des enjambements vertigineux :



- Un dimanche (observez qu'un dimanche la rue

Vivienne est tout à fait vide, et que la cohue

Est aux Panoramas, ou bien au boulevarD).

Un dimanche matin, une heure, une heure un quart...



Et voici un exemple encore plus effarant :



- Henri huit, révérend, dit Mardoche, fut veuf

De sept reines, tua deux cardinaux, dix-neuf

Évêques, treize abbés, cinq cents prieurs, soixante-

Un chanoines, quatorze archidiacres, cinquante

Docteurs, douze marquis, trois cent dix chevaliers,

Vingt-neuf barons chrétiens, et vingt-six roturiers.



Quelques gentilles impertinences :



J'ai connu, l'an dernier, un jeune homme nommé

Mardoche, qui vivait nuit et jour enfermé.

Ô prodige! il n'avait jamais lu de sa vie

Le Journal de Paris, ni n'en avait envie.

Il n'avait vu ni Kean, ni Bonaparte, ni

Monsieur de Metternich; - quand il avait fini

De souper, se couchait, précisément à l'heure

Où (quand par le brouillard la chatte rôde et pleurE)

Monsieur Hugo va voir mourir Phébus le blond.

Vous dire ses parents, cela serait trop long.



Et de l'humour juvénile :



Bornez-vous à savoir qu'il avait la pucelle

D'Orléans pour aïeule en ligne maternelle.



Musset ajouta également les Marrons du feu, drame, où la célèbre Camargo fait exécuter par un nouvel amant cet abbé Désidério qui l'a abandonnée. Certains critiques ont vu là une parodie d'Andro-maque. Mais pour l'amateur de poésie, le meilleur des Contes d'Espagne et d'Italie qu'on trouve dans les Premières poésies, est dans des poèmes plus courts, baignés de pittoresque et de mélancolie, avec ce retrait, cette douce ironie de la voix qui fredonne. La plupart de ces délicieux tableaux ont été célèbres immédiatement après leur publication et on le comprend encore. Ainsi, parmi ses « Chansons à mettre en musique », l'Andalouse avec sa double valeur de romance et de poème :



Avez-vous vu, dans Barcelone,

Une Andalouse au sein bruni?

Pâle comme un beau soir d'automne!

C'est ma maîtresse, ma lionne!

La marquesa d'Amaègui!



J'ai fait bien des chansons pour elle,

Je me suis battu bien souvent.

Bien souvent j'ai fait sentinelle,

Pour voir le coin de sa prunelle,

Quand son rideau tremblait au vent.



Elle est à moi, moi seul au monde.

Ses grands sourcils noirs sont à moi,

Son corps souple et sa jambe ronde.

Sa chevelure qui l'inonde,

Plus longue qu'un manteau de roi!



Ainsi dans ce poème doucement balancé, évocation inoubliable de Venise :



Dans Venise la rouge.

Pas un bateau qui bouge,

Pas un pêcheur sur l'eau.

Pas un falot.



Seul, assis sur la grève,

Le grand lion soulève,

Sur l'horizon serein,

Son pied d'airain.



Autour de lui, par groupes,

Navires et chaloupes,

Pareils à des hérons

Couchés en rond,



Dorment sur l'eau qui fume,

Et croisent dans la brume,

En légers tourbillons,

Leurs pavillons.



La lune qui s'efface

Couvre son front qui passe

D'un nuage étoile Demi-voilé.



La lune, cette lune chère aux romantiques, aux amants nocturnes de l'astre rond prêt pour tous les clichés, il la traitera en gentil iconoclaste dans ce qui représente pour lui un badinage, Ballade à la lune :



C'était, dans la nuit brune,

Sur le clocher jauni,

La lune,

Comme un point sur un i.



Qu'il subisse la mode est indéniable, mais elle ne le gêne aucunement, ne le contraint pas du tout : son tempérament propre, son humeur badine en même temps que sa profondeur sous-jacente s'accommodent de tout. Les romantiques ont recueilli l'héritage de la poésie française-et chacun le reçoit, le métamorphose à sa manière. Sans doute, Musset représente-t-il le caractère le plus national qui soit même s'il refuse la poésie nationale.

Entre ses affleurements légers du romantisme et l'idéalisme méditatif de Lamartine, la solennité lyrique de Hugo, le stoïcisme fier et mélancolique de Vigny, le contraste est immense. Heureusement, Alfred de Musset n'est pas seulement le gandin qui irrite Baudelaire, mais un homme de qualité et surtout un esprit libre.

Ayant montré qu'il peut imiter aussi bien que quiconquë~Tës tours médiéval et renaissant en jouant de la syntaxe archaïque et de l'inversion, ayant à son tour éveillé les déesses antiques, il sait se montrer sensible dans des Stances :



Que j'aime à voir, dans la vallée

Désolée,

Se lever comme un mausolée

Les quatre ailes d'un noir moutier!

Que j'aime à voir, près de l'austère



Monastère, Au seuil du baron lèudataire,

La croix blanche et le bénitier!

, Vous, des antiques

Pyrénées Les aînées,

Vieilles églises décharnées,

Maigres et tristes monuments,



Vous que le temps n'a pu dissoudre,

Ni la foudre,

De quelques grands monts mis en poudre

N'ètes-vous pas les ossements?



Ou encore dans un Sonnet qui commence ainsi :



Que j'aime le premier frisson d'hiver! le chaume,

Sous le pied du chasseur, refusant de ployer!

Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,

Au fond du vieux château s'éveille le foyer.



Sans doute ne sommes-nous pas éloigné de Lamartine, mais parmi les quatorze vers, on trouve brusquement ce cri : t - Et toi, ma vie, et toi! »



Un poème, les Secrètes pensées de Rafaël, montre qu'il sait être à l'école des vieux satiriques et qu'il a pu, comme Hugo, apprécier Matburin Régnier :



O vous race des dieux, phalange incorruptible,

Électeurs brevetés des morts et des vivants;

Porte-clefs éternels du mont inaccessible.

Guindés, guédés, brides, confortables pédants!

Pharmaciens du bon goût, distillateurs sublimes,

Seuls vraiment immortels, et seuls autorisés ;

Qui, d'un bras dédaigneux, sur vos seins magnanimes,

Secouant le tabac de vos jabots usés,

Avez toussé, - souffle, - passé sur vos lunettes

Un parement brossé, pour les rendre plus nettes,

Et, d'une main soigneuse ouvrant l'in-octavo,

Sans partialité, sans malveillance aucune,

Sans vouloir faire cas ni des ha! ni des ho!

Avez lu posément - la Ballade à la lune!!!



Maîtres, maîtres divins, où trouverai-je, hélas!

Un fleuve où me noyer, une corde où me pendre.

Pour avoir oublié de faire écrire au bas :

Le public est prié de ne pas se méprendre...

Chose si peu coûteuse et si simple à présent,

Et qu'à tous les piliers on voit à chaque instant!

Ah! povero ohimé! - Qu'a pensé le beau sexe?

On dit, maîtres, on dit qu'alors votre sourcil-,

En voyant cette lune, et ce point sur cet i,

Prit l'effroyable aspect d'un accent circonflexe!



On ne se moque pas mieux et avec autant de juvénilité. Et cela dure encore pendant bien des vers riches de trouvailles joyeuses.

Ailleurs, Musset multiplie dans ses titres les adresses aux dames qui passent dans sa vie ou dans son imagination : A Pépa, A Juana, A Julie, A Laure, et aussi à ses amis qui reçoivent des poèmes fàrniliers, Edouard Bocher ou le cher Alfred Tattet. C'est dans ce même recueil des Premières poésies qu'on trouve le Saule, « fragment », poème moins original avec ce thème du jeune ténébreux qui, pénétrant dans le couvent où la jeune fille qu'il a séduite s'est retirée, reçoit son dernier soupir. Cela reste souvent prosaïque, même si l'éloquence et l'agilité éloignent l'ennui.

Suit ce Spectacle dans un fauteuil dont nous avons parlé. Le lecteur est convié au théâtre sans se déplacer :



Mon livre, un ami lecteur, t'offre une chance égale.

Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle;

Ouvre-le sans colère, et lis-le d'un bon oil.



Dans la Coupe et les lèvres ou dans A quoi rêvent les jeunes filles? (Musset a le don des titres originauX) qui font penser à un Marivaux tourné vers l'idéal romantique plus qu'à Ossian dont le poète emprunte la lyre au passage, on se rattache donc au théâtre, même si ces pièces se veulent injouables. Il s'agit avant tout de nouvelles confessions où Musset apparaît à travers des personnages à son image qui sont Franck, Sylvio ou Hassan, incarnation de Don Juan dans Namouna. Rappelons que ce Spectacle dans un fauteuil plut à Sainte-Beuve qui y vit le sommet de l'art de Musset. Le conte oriental de Namouna se rattache à la Coupe et les lèvres : Hassan, comme le chasseur Franck, est partagé entre la figure idéale de l'amour et ses succès faciles. Une fois de plus, on trouve le mythe de Don Juan allant de femme en femme à la recherche de celle qui pourrait l'arracher à cette odyssée amoureuse.

Il se peut que ces dialogues dramatiques, ces histoires en vers agacent aujourd'hui parce que le poète y bavarde beaucoup et se regarde écrire comme on s'écoute parler. Des digressions sont trop longues et mal venues, mais on ne peut rejeter ce qui est inimitable : le ton de jeunesse, la désinvolture, la finesse, la pudeur d'un désespoir se cachant derrière la fantaisie. Badinage à la Marot, tours marivaudesques, coulée de la phrase en vers comme chez La Fontaine, on peut s'arrêter à cela qui n'est pas si mal, mais en plus nous trouvons de bonnes peintures de personnages et, sans qu'il y paraisse trop, car rien n'est appuyé, les plus belles figures de héros romanesques ou romantiques.

Le poème liminaire Dédicace éclaire le caractère et l'art du poète. Ces extraits peuvent en donner au moins une idée :



On n'écrit pas un mot que tout l'être ne vibre.

Je ne fais pas grand cas, pour moi, de la critique.

Toute mouche qu'elle est, c'est rare qu'elle pique.



Je ne me suis pas fait écrivain politique.

N'étant pas amoureux de la place publique.

D'ailleurs, il n'entre pas dans mes prétentions

D'être l'homme du siècle et de ses passions.

Vous me demanderez si j'aime ma patrie. Oui;

-j'aime fort aussi l'Espagne et la Turquie.

Je ne hais pas la Perse, et je crois les Indous

De très honnêtes gens qui boivent comme nous.

Vous me demanderez si je suis catholique. Oui;

- j'aime fort aussi les dieux Lath et Nésu.

Vous me demanderez si j'aime la sagesse. Oui;

-j'aime fort aussi le tabac à fumer.

J'estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse;

J'aime tous les vins francs, parce qu'ils font aimer.

Vous me demanderez si j'aime la nature.

Oui; -j'aime fort aussi les arts et la peinture.

Doutez de tout au monde, et jamais de l'amour.



On trouve même après toutes ces parties qu'il développe avec humour, un petit art poétique :



Vous trouverez, mon cher, mes rimes bien mauvaises;

Quant à ces choses-là, je suis un réformé.

Je n'ai plus de système, et j'aime mieux mes aises;

Mais j'ai toujours trouvé honteux de cheviller.



Si le temps n'est pas venu encore du vers libre et du dédain du « bijou d'un sou » qu'est la rime, Musset ne cherche pas la rime riche et le dit ironiquement :



Gloire aux auteurs nouveaux, qui veulent à la rime

Une lettre de plus qu'il n'en fallait jadis!



Dès 1829, il disait : « Je ne comprends pas que, pour faire un vers, on s'amuse à commencer par la fin, en remontant le courant, tant bien que mal, de la dernière syllabe à la première, autrement dit de la rime à la raison, au lieu de descendre naturellement de la pensée à la rime. Ce sont là des jeux d'esprits avec lesquels on s'accoutume à voir dans les mots autre chose que le symbole des idées. »

Dès les Premières poésies, on voit que Musset est à la merci de ses émotions propres et que ce sont elles qui le dirigent dans son art. C'est pourquoi il échappe à l'enlisement, au risque de s'imiter soimême, et aussi à ce qu'il peut y avoir de factice dans un renouvellement lyrique qui n'est pas motivé par des besoins profonds. Et lorsque le recueil se referme sur ces trois derniers vers :



Mais le hasard peut tout, - et ce qu'on lui voit faire

Nous a souvent appris que le bonheur sur terre

Peut n'avoir qu'une nuit, comme la gloire un jour. lorsqu'on ouvre le volume des Poésies nouvelles, dès Rolla, bien que ce poème se rattache aux Premières poésies, on trouve un ton nouveau : celui que la vie et la douleur ont dicté au poète.





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