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Agrippa d'Aubigné



Le jugement - Poéme


Poéme / Poémes d'Agrippa d'Aubigné





Mais quoi! c'est trop chanté, il faut tourner les yeux,

Eblouis de rayons, dans le chemin des cieux.

C'est fait,
Dieu vient régner; de toute prophétie

Se voit la période à ce point accomplie.

La terre ouvre son sein; du ventre des tombeaux

Naissent des enterrés les visages nouveaux :

Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places

Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.

Ici, les fondements des châteaux rehaussés

Par les ressuscitants promptement sont percés;



Ici, un arbre sent des bras de sa racine

Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine;

Là, l'eau trouble bouillonne, et puis s'éparpillant,

Sent en soi des cheveux et un chef s'éveillant.

Comme un nageur venant du profond de son plonge.

Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe..

Le curieux s'enquiert si le vieux et l'enfant

Tels qu'ils sont jouiront de l'état triomphant,

Leurs corps n'étant parfaits, ou défaits en vieillesse?

Sur quoi la plus hardie ou plus haute sagesse

Ose présupposer que la perfection

Veut en l'âge parfait son élévation,

Et la marquent au point des trente-trois années

Qui étaient en
Jésus closes et terminées

Quand il quitta la terre et changea, glorieux,

La croix et le sépulcre au tribunal des cieux.



Venons de cette douce et pieuse pensée
A celle qui nous est aux saints écrits laissée.

Voici le
Fils de l'Homme et du grand
Dieu le
Fils,
Le voici arrivé à son terme préfix.
Déjà l'air retentit et la trompette sonne,
Le bon prend assurance et le méchant s'étonne.
Les vivants sont saisis d'un feu de mouvement,
Ils sentent mort et vie en un prompt changement,
En une période ils sentent leurs extrêmes;
Ils ne se trouvent plus eux-mêmes comme eux-mêmes,
Une autre volonté et un autre savoir
Leur arrache des yeux le plaisir de se voir,
Le ciel ravit leurs yeux : des yeux premiers l'usage
N'eût pu du nouveau ciel porter le beau visage.
L'autre ciel, l'autre terre ont cependant fui,
Tout ce qui fut mortel se perd évanoui.
Les fleuves sont séchés, la grand mer se dérobe,
Il fallait que la terre allât changer de robe.
Montagnes, vous sentez douleurs d'enfantements;
Vous fuyez comme agneaux, ô simples éléments!



Cachez-vous, changez-vous ; rien mortel ne supporte

Le front de l'Éternel ni sa voix rude et forte.

Dieu paraît : le nuage entre lui et nos yeux

S'est tiré à l'écart, il s'est armé de feux;

Le ciel neuf retentit du son de ses louanges;

L'air n'est plus que rayons tant il est semé d'Anges.

Tout l'air n'est qu'un soleil; le soleil radieux

N'est qu'une noire nuit au regard de ses yeux ;

Car il brûle le feu, au soleil il éclaire,

Le centre n'a plus d'ombre et ne fuit sa lumière.



Un grand
Ange s'écrie à toutes nations : «
Venez répondre ici dé toutes actions,
L'Éternel veut juger. »
Toutes âmes venues
Font leurs sièges en rond en la voûte des nues,
Et là les
Chérubins ont au milieu planté
Un trône rayonnant de sainte majesté.
Il n'en sort que merveille et qu'ardente lumière,
Le soleil n'est pas fait d'une étoffe si claire ;
L'amas de tous vivants en attend justement
La désolation ou le contentement.
Les bons du
Saint-Esprit sentent le témoignage,
L'aise leur saute au cour et s'épand au visage :
Car s'ils doivent beaucoup,
Dieu leur en a fait don;
Ils sont vêtus de blanc et lavés de pardon.
O tribus de
Juda! vous êtes à la dextre;
Edom,
Moab,
Agar tremblent à la senestre.
Les tyrans abattus, pâles et criminels,
Changent leurs vains honneurs aux tourments éternels ;
Ils n'ont plus dans le front la furieuse audace,
Ils souffrent en tremblant l'impérieuse face,
Face qu'ils ont frappée, et remarquent assez
Le chef, les membres saints qu'ils avaient transpercés :
Ils le virent lié, le voici les mains hautes,
Ses sévères sourcils viennent compter leurs fautes;
L innocence a changé sa crainte en majestés,
Son roseau en acier tranchant des deux côtés,



Sa croix au tribunal de présence divine;

Le ciel l'a couronné, mais ce n'est plus d'épine.

Ores viennent trembler à cet acte dernier

Les condamneurs aux pieds du
Juste prisonnier.



Voici le grand héraut d'une étrange nouvelle,
Le messager de mort, mais de mort éternelle.
Qui se cache, qui fuit devant les yeux de
Dieu?
Vous,
Caïns fugitifs, où trouverez-vous lieu?
Quand vous auriez les vents collés sous vos aisselles
Ou quand l'aube du jour vous prêterait ses ailes,
Les monts vous ouvriraient le plus profond rocher,
Quand la nuit tâcherait en sa nuit vous cacher,
Vous enceindre la mer, vous enlever la nue,
Vous ne fuirez de
Dieu ni le doigt ni la vue...
La gueule de l'enfer s'ouvre en impatience,
Et n'attend que de
Dieu la dernière sentence,
Qui, à ce point, tournant son oil bénin et doux,
Son oil tel que le montre à l'épouse l'époux,
Se tourne à la main droite, où les heureuses vues
Sont au trône de
Dieu sans mouvement tendues,
Extatiques de joie et franches de souci.
Leur
Roi donc les appelle et les fait rois ainsi :



«
Vous qui m'avez vêtu au temps de la froidure,
Vous qui avez pour moi souffert peine et injure,
Qui à ma sèche soif et à mon âpre faim
Donnâtes de bon cour votre eau et votre pain,
Venez, race du ciel, venez, élus du
Père;
Vos péchés sont éteints, le
Juge est votre frère,
Venez donc, bien-heureux, triompher pour jamais
Au royaume éternel de victoire et de paix. »



A ce mot tout se change en beautés éternelles.
Ce changement de tout est si doux aux fidèles!
Que de parfaits plaisirs !
O
Dieu, qu'ils trouvent beau
Cette terre nouvelle et ce grand ciel nouveau !

Mais d'autre part, si tôt que l'Éternel fait bruire
A sa gauche ces mots, les foudres de son ire,



Quand ce
Juge, et non
Père, au front de tant de
Rois

Irrévocable pousse et tonne cette voix :

«
Vous qui avez laissé mes membres aux froidures,

Qui leur avez versé injures sur injures,

Qui à ma sèche soif et à mon âpre faim

Donnâtes fiel pour eau et pierre au lieu de pain,

Allez, maudits, allez grincer -vos dents rebelles

Au gouffre ténébreux des peines éternelles ! »

Lors, ce front qui ailleurs portait'contentement

Porte à ceux-ci la mort et l'épouvantement.

Il sort un glaive aigu de la bouche divine,

L'enfer glouton, bruyant, devant ses pieds chemine...

O enfants de ce siècle, ô abusés moqueurs,

Imployables esprits, incorrigibles cours,

Vos esprits trouveront en la fosse profonde

Vrai ce qu'ils ont pensé une fable en ce monde.

Ils languiront en vain de regret sans merci.

Votre âme à sa mesure enflera de souci.

Qui vous consolera?
L'ami qui se désole

Vous grincera les dents au lieu de la parole.

Les
Saints vous aimaient-ils? un abîme est entre eux;

Leur chair ne s'émeut plus, vous êtes odieux.

Mais n'espérez-vous point fin à votre souffrance?

Point n'éclaire aux enfers l'aube de l'espérance.

Dieu aurait-il sans fin éloigné sa merci?

Qui a péché sans fin souffre sans fin aussi;

La clémence de
Dieu fait au ciel son office,

Il déploie aux enfers son ire et sa justice.

Mais le feu ensoufré, si grand, si violent,

Ne détruira-t-il pas les corps en les brûlant?

Non :
Dieu les gardera entiers à sa vengeance,

Conservant à cela et l'étoffe et l'essence;.

Et le feu qui sera si puissant d'opérer

N'aura de faculté d'éteindre et d'altérer,

Et servira par loi à l'éternelle peine.

L'air corrupteur n'a plus sa corrompante haleine,



Et ne fait aux enfers office d'élément;
Celui qui le mouvait, qui est le firmament,
Ayant quitté son branle et motives cadences,
Sera sans mouvement, et de là sans muances.
Transis, désespérés, il n'y a plus de mort
Qui soit pour votre mer des orages le port.
Que si vos yeux de feu jettent l'ardente vue
A l'espoir du poignard, le poignard plus ne tue.
Que la mort, direz-vous, était un doux plaisir!
La mort morte ne peut vous tuer, vous saisir.
Voulez-vous du poison? en vain cet artifice.
Vous vous précipitez? en vain le précipice.
Courez au feu brûler : le feu vous gèlera ;
Noyez-vous : l'eau est feu, l'eau vous embrasera.
La peste n'aura plus de vous miséricorde. Étranglez-vous : en vain vous tordez une corde.
Criez après l'enfer : de l'enfer il ne sort
Que l'éternelle soif de l'impossible mort...



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Agrippa d'Aubigné
(1552 - 1630)
 
  Agrippa d'Aubigné - Portrait  
 
Portrait de Agrippa d'Aubigné

Biographie / chronologie


Théodore Agrippa d'Aubigné, fils de Jean d'Aubigné seigneur de Brie en Xaintonge et de Damoiselle Catherine de l'Estang, nasquit en l'hostel Saint-Maury pres de Pons l'an 1551, le 8e de febvrier, sa mere morte en accouchant, et avec telle extremité que les medecins proposerent le choix de mort pour la mère ou pour l'enfant. Il fut nommé Agrippa (comme aegre partus)...

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